Contextes - Littératures populaires du droit - 109

L'ABC Du DrOIT

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grands dictionnaires et répertoires de l'Ancien Droit et du xixe siècle furent,
à n'en point douter, de véritables travaux de doctrine, malgré la modestie
souvent affichée de leurs ambitions.
La lexicographie juridique constitue donc une part substantielle de la
littérature du droit ; rédigée par les juristes, elle s'adresse naturellement aux
juristes. Toutefois, le but premier de la lexicographie juridique est de donner
les « clés » du droit à travers le déchiffrage de son vocabulaire. Malgré leur
proximité avec les sources juridiques primaires, les dictionnaires et répertoires de droit ont su aussi s'adresser à une audience extérieure au droit, au
lectorat des non-juristes. À la marge, et dans des contextes historiques et
intellectuels bien particuliers, la lexicographie juridique a ainsi pu revêtir le
caractère d'une véritable « littérature populaire » du droit.
De ce point de vue, la lexicographie juridique est un cas intéressant - et
peut-être unique - de littérature professionnelle ou spécialisée qui, dans
certaines circonstances, s'est indistinctement adressée à une audience profane,
« étrangère » au droit, comme à une audience initiée, « intégrée » à la matière
juridique.
À deux époques, à deux moments clés de son histoire, la lexicographie
juridique française s'est clairement ouverte au « grand public », aux nonjuristes : dans la seconde moitié du xviiie siècle tout d'abord, sous l'influence
des Lumières et de l'encyclopédisme (I) ; dans la première moitié du xixe siècle
ensuite, lorsque le Code civil a fait irruption dans les foyers français (II).

I - LA LEXICOGRAPHIE JURIDIQUE
ET L'ESPRIT ENCYCLOPÉDIQUE
Au milieu du xviiie siècle, la science juridique est en compétition ouverte
avec les autres sciences, et se voit même supplantée par la philosophie et la
pensée politique. Ainsi, les Lumières refusent au droit positif - coutumier,
savant et surtout pénal11 - toute reconnaissance épistémique, en raison
de son manque de rationalité, de son attachement aux « traditions » et
dématérialisation de la doctrine et des genres doctrinaux, v. notamment A.-S. Chambost
(dir.), Les blogs juridiques et la dématérialisation de la doctrine, LGDJ, Paris, 2015 ; sur le
Jurisclasseur et les Éditions techniques, v. Revue de droit fiscal, n° 28, 6 juillet 1981 ; à titre de
curiosité, v. B. Bonjean, « Janvier 1992 Naissance du Juris-Classeur Télématique (JCT) sur
le 36.28.00.34 », La Semaine Juridique Notariale et Immobilière, n° 51, 20 décembre 1991.
11. V. e. Tillet, « La place de l'Inquisition dans la doctrine pénale des Lumières »,
G. Audisio (dir.) Inquisition et pouvoir, Presses universitaires de Provence, Aix-enProvence, 2004, pp. 337-353 ; P. raynaud, « La loi et la jurisprudence des lumières à la
révolution française », Archives de Philosophie du Droit, 1985, pp. 61-72.
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