Contextes - Littératures populaires du droit - 14

LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

un ouvrage destiné à expliquer le droit à un non-juriste est de toute
évidence un texte secondaire en ce qu'il ne pose aucune norme, son auteur
n'étant pas habilité à le faire. Peut-on toutefois l'intégrer à la littérature
« juridique » ?

B. Une littérature (malgré tout) juridique
Il est possible, a priori, d'admettre que tous les textes qui parlent de droit
(sans être du droit par eux-mêmes) appartiennent à la littérature juridique
secondaire. La chose ne relève toutefois pas de l'évidence et il reste donc
à caractériser la littérature populaire du droit.
Ici, la question de l'éducation au droit est décisive car on raisonne le
plus souvent à partir du cas des juristes eux-mêmes. en France, ils sont
formés au sein des facultés de droit et bénéficient donc d'une acculturation
spécifique16. Ils apprennent au cours de leur cursus à lire et à comprendre,
mais également à reconnaître un livre ou un texte juridique (primaire et
secondaire). Il n'y a rien en l'occurrence de naturel et le savoir juridique
s'acquiert en grande partie par la reproduction d'une culture. Or, cette
reconnaissance des textes juridiques est de deux ordres. Le premier tient
au langage et au type de discours employés dans le texte. Parler du droit
comme écrire sur le droit suppose l'emploi d'un style compatible et reconnaissable. Il faut alors employer un vocabulaire, un langage, mais également
un style qui ne saurait être trop journalistique ni trop « littéraire », car
le droit ne supporte ni la narration sensationnelle ou évènementielle ni
certains effets stylistiques. Au droit correspondent des genres convenables
et admis, un discours reconnaissable au sein de chaque culture juridique.
Il ne faut cependant pas oublier une seconde catégorie permettant de
reconnaître un texte juridique. Il s'agit d'un type matériel en ce que le
texte juridique secondaire doit respecter des conventions de références aux
sources primaires, des procédés de citations et de construction ou encore
des genres littéraires. Ce paratexte est déterminant en ce qu'il est « ce par
quoi un texte se fait livre et se propose comme tel à ses lecteurs et plus généralement au public »17. références en plein texte ou notes de bas de pages
permettent par exemple de distinguer aisément un roman ou un compte
rendu journalistique d'un texte « juridique », et les étudiants repèrent très

16. V. sp. F. Audren et J.-L. Halpérin, La culture juridique française..., op. cit.
17. G. Genette, Seuils, Paris, Points essais, 2002, p. 7-8. À propos des notes de bas de page,
v. sp. p. 321-45. On consultera également l'article stimulant d'A.-M. Hespanha, « Form
and content in early modern legal books. Bridging the gap between material bibliography
and the history of legal thought », Rechtsgeschichte. Zeitschrift des Max-Planck-Instituts
fûr europäische Rechtsheschichte, n° 12, 2008, p. 12-50.

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