Contextes - Littératures populaires du droit - 164

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LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

Ailleurs, d'autres auteurs, juristes ou non, se présentent comme membres
d'un syndicat ou d'une association locale de sinistrés.
Cela met en évidence des personnes (juristes ou non, membres ou
non de l'administration) se « spécialisant » dans l'aide aux sinistrés ; cette
spécialisation peut être professionnelle à un double titre : lien direct
avec l'administration, mais aussi entrepreneur privé dans le domaine des
dommages. Cet aspect ressort particulièrement dans deux cas où des publicités pour des associations ou sociétés de sinistrés sont insérées dans le
guide (n° 2 et 13). un cahier central de quatre pages de couleur saumon
figure ainsi dans l'ouvrage de Cler, dont l'auteur n'est pas identifiable par
ailleurs (Après la commission cantonale. Guide pratique du sinistré, 1921,
n° 13) ; les annonces concernent un établissement bancaire local (Banque
générale du Nord), des industriels ou un comptoir central d'achat. La
promotion publicitaire vise un marché local et la diffusion du guide s'inscrit dans le redémarrage économique régional.
Deux remarques peuvent alors être formulées. La première concerne
la corrélation au moins relative entre la proximité de l'auteur avec l'administration et le recours à un éditeur parisien, souvent spécialisé en droit.
Les guides n° 1, 3, 5, 8, 9, 10, 11, 16 et 17 sont publiés à Paris (ou par
l'Imprimerie administrative), souvent par des éditeurs spécialisés en droit
(rousseau, Marchal & Billard, Larose). Dans ces ouvrages, l'auteur a un
lien avec les pouvoirs publics (magistrat, membres des ministères ou soutien
des ministères, un président de commission cantonale des dommages de
guerre) ou exerce une profession judiciaire19. À l'inverse, et contrairement
à la littérature juridique universitaire à cette époque, une partie importante
des guides n'est publiée ni à Paris, ni par des maisons d'édition spécialisées dans le droit. Le recours à un éditeur ou imprimeur local correspond
à une diffusion limitée, liée à des facteurs locaux ; le public visé est celui
des sinistrés ou des associations locales20. Ce faisant, on délimite un peu
plus deux groupes de publications, les unes visant directement les sinistrés
ou certaines catégories d'entre eux, les autres s'attachant plutôt aux agents
chargés d'appliquer la législation.
La deuxième remarque tient au statut même de l'auteur dans ces
ouvrages : celui-ci remplit une fonction faiblement individualisante, qui
en fait le porte-parole d'un groupe et non d'une position doctrinale
intellectuellement autonome. Les auteurs n'assument pas une identité
individuelle (comme dans la littérature doctrinale), mais parlent au nom
19. Les guides n° 6 et 15 sont édités directement par les auteurs, résidents parisiens ; mais
Paul Gautier (n° 6) est un imprimeur rémois.
20. Les guides n° 2, 4, 7, 12, 13, 14 sont édités dans les départements du nord-est de la
France. Les auteurs ont des liens avec des associations locales (n° 2 et 14) ou des acteurs
économiques (n° 12), exercent des professions judiciaires (n° 4) mais pas administratives.

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