Contextes - Littératures populaires du droit - 169

LeS « GuIDeS Du SINISTrÉ » (1915-ANNÉeS 1920)

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compétents localement (préfecture ou mairie) ; la pratique des services
préfectoraux montre que l'envoi de formulaires aux sinistrés faisant des
demandes sur la procédure de réparation est fréquent et que leur utilisation
y est présentée comme nécessaire29. Cette diffusion est aussi assurée par
les nombreux ouvrages pratiques sur les dommages de guerre30.
uniformiser et régulariser les demandes passe aussi par des conseils
récurrents donnés dans les guides : par exemple indiquer sur tout papier
(formulaire rempli ou autre) le numéro de compte provisoire (qui suit le
sinistré dans les différentes phases de la procédure) ou de titre de créance
demandé, etc. Les guides visent à faciliter toutes les opérations nécessaires pour bien remplir les formulaires. D'abord, la demande suppose
une opération de classification des dommages et des biens concernés que
les guides explicitent, le mode d'évaluation du dommage (et le formulaire
correspondant) variant selon la catégorie de dommages et le remploi de
l'indemnité pour reconstruire le bien.
Surtout, certains guides expliquent en détail comment calculer le
montant du dommage (n° 2, 4 et 13), à partir d'exemples chiffrés. une note
à la fin du guide n° 2 donne ainsi des exemples d'estimation de la valeur
de produits agricoles31. Le guide n° 4 contient également de nombreux
exemples pratiques, parfois chiffrés, tout comme le guide n° 13. Ce dernier
expose la situation du sinistré après l'évaluation de ses dommages par la
commission cantonale ; plusieurs situations sont présentées, par exemple :
« Quel est le montant maximum de l'avance en nature qui peut être
obtenu ? » (p. 10). Des exemples chiffrés sont donnés, ainsi : « Monsieur X...
a subi un dommage valeur 1914 de 20 000 francs. Il peut obtenir en nature :
60 000 francs, ou en espèces : (20 000 × 3) 3/4 = 45 000 francs et en nature
15 000 francs, soit au total : 60 000 francs »32.
Certains guides du sinistré apparaissent ainsi comme des outils de rationalisation et d'efficacité administrative par l'uniformisation du processus
de déclaration ou par la diffusion des catégories de l'administration, plus
encore que celles de la loi de 191933. Le travail administratif suppose
qu'une règle uniforme s'applique ; mais l'administration doit être capable
29. Cf. par exemple le courrier envoyé par le service des Dommages de guerre de la préfecture de la Seine à M. Bié, 19 mars 1919 (Archives de Paris, D2/r7/80).
30. N° 9 (p. 131 sq.), 12, 13 ; cf. aussi J.-L. Brun, Résumé analytique..., op. cit., p. 81-82.
31. Le guide est rédigé en 1915. L'article 23 de la loi de 1919 prévoit des comités techniques dans chaque département chargés d'élaborer des barèmes facilitant le travail des
commissions d'évaluation.
32. N° 13, p. 10 (caractères gras dans le texte).
33. Notons que cela assure la meilleure diffusion des attentes de l'administration, mais
renforce aussi la position des sinistrés, mieux à même de se défendre vis-à-vis de l'administration, cf. Revue des dommages de guerre (dirigée par Henri Dumont), n° 5, p. 38-39.

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