Contextes - Littératures populaires du droit - 42

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LITTÉrATureS POPuLAIreS Du DrOIT

témoigne du désintérêt des chercheurs pour ce genre particulier132. Les
spécialistes de la littérature juridique, en effet, ont jusqu'à présent préféré
- et c'est sans doute bien naturel - se concentrer sur les grands auteurs133 et
les textes marquants134 : la littérature populaire manque de cette noblesse que
l'on prête au droit et à son étude. Autre raison, sans doute, de cette désaffection : une telle littérature ne peut prétendre intégrer l'espace mémoriel du
monde des juristes que, souvent, les historiens du droit cherchent à remplir
de prestigieux ancêtres et de chefs-d'œuvre de référence. Pourtant, négliger
cette terra ingognita nous semble regrettable. Loin du confortable entresoi juridique, les littératures populaires du droit conduisent en effet, à bien
y regarder, à affronter des thématiques centrales pour la communauté des
juristes, telles que l'histoire de la démocratie et de la citoyenneté ou les
rapports entre savoir et pouvoir. Or, ces questions ont, pendant longtemps,
été occultées en raison du mythe tenace tendant à affirmer que le droit
édicté n'aurait pas à se soucier de sa communication135.
C'est pourtant la leçon inverse que nous enseigne cette brève plongée
dans un immense océan à peine cartographié. L'analyse de l'écriture du
droit doit impérativement être réinsérée dans les tempêtes politiques et
sociales des xixe et xxe siècles. La littérature juridique gagne en compréhension à ne plus être appréhendée uniquement selon un strict point de
vue internaliste. L'approche contextualiste semble, ici, plus opérante136. Les
littératures populaires du droit conduisent en effet à prendre acte de l'impureté fondamentale de l'écriture juridique, située « au carrefour de questions

Paris, CNrS éd., 1997, D. raichvarg et J. Jacques, Savants et ignorants. Une histoire de
la vulgarisation des sciences, Paris, Seuil, 1991, D. raichvarg, Sciences pour tous ?, Paris,
Gallimard, 2005 et B. Jurdant, Les problèmes théoriques de la vulgarisation scientifique,
Paris, Éditions des archives contemporaines, 2009.
132. Mentionnons toutefois une exception explicite en droit social : P. Cam et A. Supiot
(dir.), La vulgarisation du droit du travail, Nantes, Association de recherches en sciences
humaines, 1984.
133. Pour une réflexion en la matière, L. Fontaine, Qu'est-ce qu'un « grand » juriste ?
Essai sur les juristes et la pensée juridique contemporaine, Paris, Lextenso, 2012.
134. Ph. Malaurie, Anthologie de la pensée juridique, Paris, Cujas, 2001, 2e éd., O. Cayla
et J.-L. Halpérin (dir.), Dictionnaire des grandes œuvres juridiques, Paris, Dalloz, 2010,
2e éd. ou encore, très récemment, J. Benetti, P. egéa, X. Magnon et W. Mastor (dir.),
Les grands discours de la culture juridique, Paris, Dalloz, coll. Les grands arrêts, 2017.
135. D. Bourcier, « L'émergence d'une problématique : l'approche cognitive du droit »,
in D. Bourcier et P. Mackay (dir.), Lire le droit. Langue, texte, cognition, Paris, LGDJ,
1992, p. 21 et s.
136. Pour une contribution à ce débat classique, en histoire des idées, entre points de
vue internaliste et contextualiste, cf. J.-L. Halpérin, « Pourquoi parler d'une histoire
contextuelle du droit ? », Revue d'histoire des sciences humaines, n° 30 (Contextualiser :
une pratique transdisciplinaire ?), 2017, p. 31-48.
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