Systèmes Cours - Les Constitutions de la France - Tome 3 - 1re - 73

Les leçons de l'échec de la Constitution de 1946

Constitution est un premier coup de canif porté à l'édifice
constitutionnel et aux dispositifs censés empêcher la multiplication
des crises ministérielles et stabiliser le cabinet. La pratique
gouvernementale est encore plus critiquable lorsque les chefs de
gouvernement démissionnent à la suite du rejet à la majorité simple,
et non absolue comme l'exige la Constitution, d'une question de
confiance. De fait, la plupart des crises ministérielles entre 1946
et 1958 résultent d'un refus des députés de voter dans le sens
indiqué par le président du Conseil dans des conditions qui ne
l'obligeaient pas à se retirer mais qui présentaient l'immense mérite
pour les parlementaires de ne pas « compter » comme une crise
constitutionnelle (majorité absolue) susceptible d'ouvrir à l'exécutif
l'exercice du droit de dissolution. La loi était de surcroît repoussée à
moindre frais. Lors des discussions sur la loi de révision
constitutionnelle (1954), il fut proposé de supprimer l'exigence de la
majorité absolue pour ouvrir plus facilement le droit de recourir à
la dissolution. Le constituant ne l'a pas voulu. On comprend ses
raisons... Il fut simplement mis fin à la double investiture.
Investiture et question de confiance dévoyées à l'initiative des
gouvernements, ceux-ci parachèvent la lecture extraconstitutionnelle
de la Constitution en consacrant la pseudo-question de confiance.
Plutôt que de poser la question de confiance dans les termes
constitutionnels, le président du Conseil fait pression sur l'Assemblée
en lui demandant de se prononcer clairement à l'occasion d'un débat
sur un texte ou une disposition de loi qu'il juge prioritaire, laissant
entendre qu'il tirera du vote « toutes les conséquences qui
s'imposent », selon la formule consacrée. En cas de vote négatif
même à la majorité simple, le président du Conseil démissionne sur
le champ. Assez pratiquée sous la première législature, cette
stratégie politique se raréfie par la suite sans totalement disparaître.
Inexistante devant le Conseil de la République, la question de
confiance est quelquefois activée implicitement, à l'encontre du texte
et de l'esprit de la Constitution. Le but est d'obtenir l'acquiescement
des sénateurs qui, par le jeu de la consultation puis de la navette à
partir de 1954, exercent un pouvoir retardateur des textes
gouvernementaux. Ce faisant, le Conseil de la République est
conforté comme assemblée législative et de contrôle. E. Faure usera
à trente-et-une reprises de cette facilité inconstitutionnelle.
Les gouvernements tombent donc dans des circonstances
extraconstitutionnelles. Les votes calibrés des députés leur évitent
d'user des procédures constitutionnelles de mise en cause de la

73
Table des matières de la publication Systèmes Cours - Les Constitutions de la France - Tome 3 - 1re
