Grands Colloques - Travail et protection sociale : de nouvelles articulations ? - 34

LA NÉCeSSAIre CLArIFICATIoN DeS LoGIQUeS

logique et proposé en 199013 de caractériser trois catégories de systèmes :
les régimes libéraux, les régimes corporatistes et les régimes sociauxdémocrates14. Cette différentiation repose sur trois critères : le degré de
démarchandisation de la société, c'est-à-dire d'autonomie de l'individu par
rapport au marché autorisé par la protection sociale, la part respective du
secteur public et du secteur privé dans la satisfaction des besoins sociaux
et la stratification des catégories sociales organisée par la société.
Ces analyses privilégient une approche globale des systèmes de protection sociale alors que les logiques à l'œuvre sont, de plus en plus souvent
et significativement, différenciées selon les risques15. L'initiative de l'oMS
et de l'oIT en faveur d'un socle universel de protection sociale a d'ailleurs
logiquement intégré dans son champ l'éducation. Le socle de protection
sociale doit ainsi garantir « une sécurité du revenu de base » mais également « un accès financièrement abordable aux services sociaux essentiels en
matière de santé, d'eau potable et d'assainissement, d'éducation, de sécurité
alimentaire, de logement (...) »16. or la prise en compte de l'éducation dans
le champ de la protection sociale ne permet plus de retenir les qualifications
monistes traditionnellement adoptées. en matière d'école, la France a par
exemple un régime universaliste alors que son système de protection sociale
est souvent qualifié de corporatiste.
Une approche holistique de la protection sociale, adaptée aux réalités
contemporaines, devrait ainsi intégrer l'école et développer une analyse
différentielle des politiques sociales17. Cela serait d'ailleurs en adéquation
avec les principes constitutionnels dans lesquels doivent s'inscrire les politiques sociales puisque le préambule de la Constitution de 1946 comporte
quatre alinéas relatifs à la protection que doit assurer la nation, dont le
champ est beaucoup plus large que celui de la sécurité sociale de 1945.
La nation doit ainsi assurer, à l'individu et à la famille « les conditions
nécessaires à leur développement » (al. 10), à tous « la protection de la
santé, la sécurité matérielle, le repos et les loisirs » (al. 11), « la solidarité et
l'égalité de tous les Français devant les charges qui résultent des calamités
13. The three worlds of welfare capitalism ; une traduction française "révisée" a été publiée
en 1999 : Les trois mondes de l'État-providence, Essai sur le capitalisme moderne, coll. Le
lien social, PUF ; B. Palier, Gouverner la sécurité sociale, PUF, 2003.
14. Pour une synthèse et une analyse juridique de ces notions, v. le traité de référence :
J.-J. Dupeyroux, M. Borgetto, r. Lafore, Droit de la sécurité sociale, 18e éd., Dalloz, 2015.
15. M. Borgetto, « La réforme de la sécurité sociale : continuité ou déclin du modèle
républicain ? », Dr. soc. 1997, p. 877 et s.
16. Socle de protection sociale pour une mondialisation juste et inclusive, rapport du
groupe consultatif présidé par Michelle Bachelet mis en place par le BIT avec la collaboration de l'oMS, Genève, 2011.
17. D. Tabuteau, « Topologie des politiques sociales », Dr. soc. 1re partie, juin 2012 ;
2e partie, juill.-août 2012.

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