Grands Colloques - Travail et protection sociale : de nouvelles articulations ? - 94

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L'APPArITIoN De NoUVeLLeS ForMeS D'eMPLoI

donneur d'ordre si le prestataire est un travailleur indépendant47. D'un autre
côté, pour obtenir des contrats, le travailleur du numérique s'adresse à une
plateforme électronique et répond aux propositions offertes. en apparence,
il s'agit d'une simple « mise en relation », comme il existe une mise à disposition dans le travail intérimaire48.
on peut alors se demander si cette « mise en relation » révèle l'existence
d'un contrat, la facilité penchant spontanément en faveur d'un contrat
innomé ou sui generis. Mais si le contrat de travail ne peut être écarté (on
sait que le statut social qui l'accompagne est d'ordre public), divers contrats
civils ou commerciaux sont susceptibles d'être sollicités : le mandat, le courtage, la prestation de services, le contrat de mise à disposition, voire le
portage salarial.
Quant au travailleur du numérique (le prestataire), la loi Travail a pris
un parti : sont soumis aux nouvelles dispositions les travailleurs indépendants (C. trav., art. L. 7341-1 nouv.) qui utilisent pour l'exercice de leur
activité professionnelle, une ou plusieurs plateformes de mise en relation
par voie électronique.
La qualification légale exclut par principe l'application du droit du
travail, d'autant que, du moins en apparence, le travailleur est libre de
déterminer ses horaires, le nombre d'heures de travail qu'il souhaite accomplir, le lieu d'exécution de l'activité, etc. ensuite, cette convention conclue
avec la plateforme, comme celle qui le sera avec le client/donneur d'ordres,
pourra être qualifiée de contrat d'adhésion, autrement dit caractérisé par
l'inégalité des parties lorsque la tâche à accomplir et le montant du prix
sont définis à l'avance sans possibilité de négociation49.
en réalité, il faudra regarder au cas par cas lorsqu'il y a un doute sur
la nature de la relation juridique50. Autrement dit, il y aura travail salarié
lorsqu'une personne, moyennant rémunération, travaille pour le compte d'autrui et sous son autorité. Si cette personne travaille pour son propre compte,
il y aura travail indépendant. Mais il se peut aussi qu'il y ait travail indépendant pour autrui qui, aujourd'hui encore, est une forme juridique innomée.
47. Mais si le client est vu comme passager, il s'agit de covoiturage (v. les péripéties
judiciaires de la start-up Heetch devant le TGI de Paris (déc. 2016) à propos du transport
de personnes par VTC, ainsi que la question du partage de frais qui intéresse d'abord le
droit fiscal).
48. C'est un contrat conclu entre deux entreprises, de nature civile ou commerciale.
49. À cet égard, la loi du 8 août 2016 (loi Travail) envisage le cas où une plateforme détermine les caractéristiques de la prestation de service fournie (ou du bien vendu) et en fixe le
prix. V. T. revet, « Les critères du contrat d'adhésion », D. 2016, p. 1771 ; Sur « la reconnaissance d'une catégorie de contrats d'adhésion », v. P. Lokiec et J. rochfeld, « L'accord
et le juge du travail : le temps des réformes paradoxales », Dr. soc. 2017, p. 5.
50. V. les réflexions originales de d'A. Fabre, « Plateformes numériques ; Gare au tropisme
travailliste ! », rDT 2017, p. 166.
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