Grands Colloques - Travail et protection sociale : de nouvelles articulations ? - 95

JeAN-PIerre CHAUCHArD

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Dans l'hypothèse d'une indépendance forte, on sera en présence d'une
relation de nature commerciale ou civile car le prestataire est libre d'accepter
ou de refuser une mission, de fixer comme il l'entend les modalités de sa
prestation, de fixer son emploi du temps, son tarif, ses horaires, etc. Bien
que la relation soit effectivement triangulaire, il n'y a pas pour autant mise
à disposition car la plateforme n'est pas l'employeur du travailleur collaboratif. La mise à disposition emporte en effet transfert du pouvoir de direction
à un tiers au contrat et suppose l'accord préalable du salarié51. Il n'y a pas
non plus sous location de services, même précaire, car mettre à disposition
n'est pas sous louer. on sera vraisemblablement en présence d'une prestation de services, plus précisément d'un contrat d'entreprise52, c'est-à-dire
qu'une personne (l'entrepreneur) s'engage vis-à-vis d'une autre (le maître de
l'ouvrage ou client) à faire quelque chose moyennant rémunération, en toute
indépendance et sans représentation53. Mais selon le rapport Terrasse, pour
ceux qui auront été conduits à créer une activité professionnelle à l'appui
de leur présence sur une plateforme collaborative, celle-ci s'intègre dans la
chaîne de contrats conclus entre l'acheteur et le vendeur. Son rôle peut s'apparenter à celui d'un intermédiaire commercial54. Le courtage pourrait alors
être envisagé55, sauf si la plateforme peut être assimilée à un employeur56.
Mais si l'indépendance est faible, il y aura relation de travail salariée
par qualification ou requalification si la subordination du prestataire est
constatée ou démontrée57. À cet égard, l'IGAS propose de reconnaître
une « subordination algorithmique »58 ou subordination technologique du
travailleur collaboratif à l'égard de la plateforme, dont les contours sont
à préciser. en effet, selon les situations, la plateforme peut se rapprocher
51. C. trav., art. L. 8241-2 (opération de main-d'œuvre à but non lucratif).
52. Il s'agit d'un terme générique englobant la fourniture de tout avantage appréciable
en argent (ouvrage, travaux, gestion, conseil, etc.) en vertu des contrats les plus divers :
mandant, entreprise, contrat de travail, bail, assurance, prêt à usage etc. (F. Labarthe et
C. Noblot, Le contrat d'entreprise, LGDJ, 2008).
53. V. G. Lardeux, « Le contrat de prestations de service dans les nouvelles dispositions du
Code civil », D. 2016, p. 1659. À ce titre, ce sont donc des indépendants, qui bénéficieront
de la protection sociale attachée à leur qualité.
54. Op. cit., p. 42.
55. Cass. ass. plén., 8 janv. 1993, Sté Rena Ware, JCP G 1993, II, 22040, note Y. Saint Jours ;
Cass. 1re civ., 19 févr. 2013, n° 11-23287, Contrats conc. consom. n° 5, mai 2013, comm.
108 par L. Leveneur (courtier internet).
56. Ainsi lorsque, à l'occasion d'un « shift » (période travail de trois heures par exemple),
la plateforme demande au livreur à vélo d'être à disposition, elle exerce un pouvoir à son
encontre qui révèle sa situation de subordination. La qualification de travailler salarié s'impose.
57. en ce sens, v. C. trav., art. L. 8221-6 II : fourniture directe ou par personne interposée
des prestations à un donneur d'ordre dans des conditions qui placent les personnes visées au I
(personnes physiques immatriculées) dans un lien de subordination juridique permanente.
58. rapport précité, p. 52.
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