Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 191

CLAIRE SOURzAT

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qualifications alternatives ou cumulatives incompatibles entre elles : c'est
qu'il s'agit de préserver l'exercice des droits de la défense, or, l'offre de
preuve n'est pas la même selon le fait incriminé au sein du droit spécial.
D'une part la transposition de la règle ne convainc pas devant les juridictions civiles : « Devant le juge civil, les différentes formes de diffamation
et d'injure peuvent être confondues : la réparation ne dépend pas de la
gravité du propos tenu (exprimée par la peine dont le législateur menace
sa publication) mais de l'importance du dommage occasionné »37. Il faut
ainsi saluer la proposition n° 1 de la mission d'information de la commission d'information qui visait à autoriser la juridiction saisie à requalifier
les faits dont elle est saisie.
D'autre part, l'on pensait la portée de la règle limitée au domaine de la
presse. La doctrine affirmait d'ailleurs que « la matière civile permet en
revanche des visas cumulatifs ou subsidiaires [...] notamment entre les
infractions de presse et les fondements, purement civils, des articles 9, 9-1
ou 1382 du Code civil »38. Or, la Cour de cassation après avoir censuré les
qualifications cumulatives de la loi sur la presse et du droit commun de la
responsabilité civile39, prévoit désormais qu'est « nulle une assignation qui
retient pour les mêmes faits une double qualification fondée sur la loi du
29 juillet 1881 et sur l'article 9 du Code civil »40. Même solution mutatis
mutandis s'agissant de l'article 9-1 Code civil41.
Mais la question de la compatibilité du parallélisme des formes avec
le droit d'accès au juge est loin de se résumer à ce seul aspect. Outre la
qualification du fait assortie d'un visa exclusif du texte de loi applicable,
l'article 53 de la loi sur la presse soumet l'assignation à d'importantes et
identiques contraintes de formes devant les juridictions civiles et pénales42 :
élection de domicile et notification au ministère public, respect des délais
de citation, règles de preuve, absence de possibilité de requalification des
magistrats. Cette dernière règle est battue en brèche par la perspective
d'introduction d'un article 54-1 dans la loi de 1881 conférant justement
au juge un pouvoir de requalification...
37. Dreyer E., « L'accès au juge civil en matière de presse », art. préc., spéc., p. 86.
38. Beignier B., De Lamy B., Dreyer E., Traité de droit de la presse et des médias,
op. cit., p. 760, n° 1314.
39. Cass. civ. 2e, 14 mars 2002, Bull. n° 45. V. aussi l'interdiction d'engager deux instances
pour le même fait sur le fondement de la loi sur la presse d'une part et de l'art. 1382 c. civ.
d'autre part. Véron M. « un double imbroglio. Agir au civil ou au pénal ? il faut choisir :
cumul interdit », Dr. Pén., 2013, comm. 174.
40. Cass. 4 février 2015 n° 13-16263.
41. Cass. 4 février 2015 n° 13-19455.
42. La commission spéciale maintient le respect de ces règles à peine de nullité après que
le Sénat ait en première lecture du projet égalité et citoyenneté supprimé la mention de
l'exigence du respect de ces formalités à peine de nullité.
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