Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 236

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QUELLE PLACE POUR DES MESURES PRÉVENTIVES

susceptible d'adopter ne seront pas abordées1. Négativement, les mesures de
police administrative qui seront étudiées n'ont pas pour objet de réprimer
les abus de la liberté de la presse tels qu'ils sont définis par la loi pénale.
Positivement, elles visent à prévenir ou à faire cesser un exercice de la liberté
de la presse contraire à l'ordre public. Dans le second cas (mettre un terme
à un acte d'exercice de la liberté de presse attentatoire à l'ordre public), il
convient de le souligner, les décisions de police administrative ne sont pas,
stricto sensu, préventives, puisqu'elles interviennent après que la liberté a
été exercée ; elles diffèrent néanmoins des sanctions pénales parce que leur
but n'est pas punitif. Toutes ces décisions de police administrative sont
comprises dans le champ de l'étude.
La police administrative susceptible d'agir en matière de la liberté de la
presse peut d'abord être la police administrative générale. Très tôt2, en
effet, le Conseil d'État a jugé que la circonstance que la liberté de la presse
était proclamée et organisée par la loi du 29 juillet 1881 et que les abus en
étaient judiciairement sanctionnés, ne faisait pas obstacle à ce que les maires
et les préfets usent de leurs pouvoirs de police générale dans ce domaine,
en vue de prévenir ou de faire cesser des troubles à l'ordre public général
(sécurité, tranquillité, salubrité, moralité publiques, classiquement, à quoi
s'ajoute aujourd'hui la dignité3), essentiellement par voie d'interdiction
portant notamment sur la mise en vente de journaux sur la voie publique4.
La presse connaît également des polices administratives spéciales (qu'il est
possible de présenter comme visant un « ordre public spécial »). Instituées
par le législateur pour certaines catégories de publications en particulier,
ces polices s'écartent, plus ou moins du modèle de la police générale, parce
qu'elles peuvent viser d'autres intérêts publics qu'elle (la protection de la
jeunesse par exemple) et permettre aux autorités compétentes d'user de
procédés exclus en matière de police générale (déclaration et autorisation
préalables). Ainsi l'article 14 de la loi du 29 juillet 1881, modifié par le
décret-loi du 6 mai 1939 avait institué une police spéciale des publications
étrangères ; reconnue incompatible avec la Convention européenne des
droits de l'homme (Conv. EDH), elle a été supprimée par un décret du
4 octobre 2004, on aura l'occasion d'y revenir. Toujours en vigueur, elle, la
1. Sur ces mesures, v. p. ex., P. Wachsmann, « Liberté d'expression », J-Cl. Libertés, fasc.
800, n° 177-178, LexisNexis.
2. Les premiers arrêts ont été rendus en matière d'affichage : CE, 30 mars 1900, Hostein,
D.P. 1901. 3. 53 ; 24 janv. 1902, Soc. des Chalets de commodité, Rec. p. 42.
3. CE, ass., 27 octobre 1995, Commune de Morsang-sur-Orge, Rec. p. 372, concl.
P. Frydman.
4. V. CE, 30 novembre 1928, Pénicaud, D.H. 1929.39 ; TC, 8 avril 1935, Action française, D. 1935, III, 35, concl. Josse, note WaLine ; CE, 23 novembre 1951, Société nouvelle
d'imprimerie, RDP 1951, p. 1098 et s., concl. M. Letourneur.
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