Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 251

JACQUES PETIT

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C'est de manière générale le cas aujourd'hui. Il faut encore qu'il vérifie
la proportionnalité de la mesure. Or, sur ce terrain aussi, le triple test
de proportionnalité se développe28. Quant aux modalités, une procédure
d'urgence, comme le montre bien l'arrêt de la Cour EDH Association Ekin,
est indispensable. Elle existe aujourd'hui avec le référé-liberté. Comme en
atteste l'affaire Dieudonné, cette voie de droit permet au juge administratif
d'empêcher préventivement (avant même qu'elle produise son effet) ou très
peu de temps après son édiction, une mesure préventive (par exemple, en
suspendant une interdiction d'exposition au public). Cette proximité de
l'intervention du juge sur la mesure administrative contribue, elle aussi, à
réduire l'écart entre le régime préventif (aux mains de l'administration) et le
régime répressif (qui relève du juge pénal). On pourra objecter que, même
agissant par la voie du référé-liberté, le juge administratif, en raison de ses
liens avec l'exécutif ne présente pas, en matière de protection des libertés,
les mêmes garanties que le juge judiciaire. Mais c'est là un autre débat.
Divers enseignements peuvent être tirés des développements qui
précèdent concernant la place des mesures préventives en matière de la
liberté de la presse.
En premier lieu, le critère décisif de la légitimité de telles mesures réside
dans la nécessité d'éviter des publications susceptibles d'entraîner, pour
l'intérêt général et/ou les droits d'autrui, des conséquences dommageables
irréversibles. Bien entendu, ce critère n'est pas d'une application absolument certaine. Il y a des cas évidents (journal dont la publication risque
d'entraîner des émeutes) et d'autres qui le sont moins (après tout, un
discours délétère ne peut-il pas entraîner des effets sociaux dommageables
irréversibles ?).
Corrélativement, en second lieu, la police administrative générale, doit
continuer de pouvoir intervenir en matière de la liberté de presse, du moins
en tant qu'elle vise à protéger un ordre public matériel et, notamment, la
sécurité publique. La légitimité de cette intervention au nom d'un ordre
public immatériel (moralité publique, dignité) prête davantage à discussion.
S'agissant, en troisième lieu, des polices administratives spéciales, il a été
vu que certaines dispositions de la loi du 16 juillet 1949 sont inconstitutionnelles. Il convient d'ajouter ici (sans pouvoir le développer) que le régime
de l'interdiction des publications destinées aux adultes mais présentant des
dangers pour la jeunesse, dans la mesure où en pratique, il peut aboutir à la
disparition pure et simple d'un périodique, alors que son but est seulement
de protéger la jeunesse des dangers, ne satisfait pas au dernier élément du
28. P. ex. CE, ord. réf. 9 janvier 2014, Min. de l'intérieur c/ Société Les productions de la
plume, Dieudonné M'Bala, M'Bala, préc.

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