Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 30

LA PROBLÉMATIQUE DE L'INSERTION DES INFRACTIONS

écrite et comme une loi pénale s'appliquant à toutes les formes et à tous
les supports de la liberté d'expression.
Le double objectif poursuivi par le législateur n'a rien de surprenant.
Depuis la fin du xviiie siècle et au xixe siècle, la liberté d'expression a deux
supports privilégiés, qui ont été l'enjeu de toutes les batailles politiques
et juridiques menées devant toutes les assemblées législatives, l'écrit et la
parole. Après avoir rappelé que la libre communication des pensées et des
opinions est un des droits les plus précieux de l'homme, l'article 11 de la
Déclaration ajoute très logiquement que « tout citoyen peut donc parler,
écrire, imprimer librement... ». Il n'est donc pas étonnant que le législateur
ait, le 29 juillet 1881, consacré la liberté de l'écrit, le livre et la presse, en
se préoccupant non seulement de la garantir intellectuellement mais aussi
matériellement, en amont et en aval, en affirmant dès l'article 1 : « l'imprimerie et la librairie sont libres ». Il n'est pas plus étonnant qu'il ait, un
mois plus tôt, le 30 juin 1881, proclamé la liberté des réunions publiques,
c'est-à-dire la liberté de « parler » sous la forme que l'on estimait alors la
plus importante et la plus sensible. Ces deux lois ont assuré l'aboutissement
durable de revendications constamment formulées depuis plus d'un siècle.
Toutefois, même si ces deux « grandes lois » sont toujours en vigueur et ont
conservé tout leur intérêt, elles ne fournissent plus, aujourd'hui, les cadres
principaux de la liberté de communication. De nombreux autres supports
sont désormais utilisés et jouent un rôle majeur2.
Dans ces conditions et en tant que loi sur la liberté de la presse, la loi du
29 juillet 1881 reste une référence mais elle ne conserve plus la place centrale
qu'elle a pu avoir. Même si elle est vénérée par certains comme étant une
grande loi, il faut bien admettre qu'elle a été, à maintes reprises, modifiée,
complétée et contournée. Elle n'a plus la même clarté et la simplicité qui
faisaient sa force. Elle est devenue difficile à lire et elle ne permet plus de
savoir avec précision si l'on s'expose ou non à des sanctions pénales en
tenant tel ou tel propos. De ce fait, elle a perdu partiellement son utilité
s'agissant de sa seconde fonction : déterminer les « infractions de presse »,
c'est-à-dire les abus possibles de la liberté d'expression3.
Ce constat ramène au thème de ce second exposé introductif, celui de la
problématique de l'insertion des infractions de presse dans le droit commun
civil ou pénal à laquelle on peut lier la question constante depuis 1789 :
Faut-il dépénaliser ou surpénaliser ? En réalité, les questions que le législateur doit se poser avant d'y apporter une solution sont les mêmes depuis
2. Pour une approche plus large de la liberté de communication : Derieux E., Droit des
médias, Paris, LGDJ, 2015 ; Morange J., La liberté d'expression, Bruxelles, Bruylant, 2009.
3. La question de son abrogation a pu être posée : Derieux E., « Faut-il abroger la loi de
1881 ? », Legipresse septembre 1998, n° 154. II. 93.100.

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