Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 43

EMMANUEL DREYER

En toute hypothèse, des peines de 5 ans d'emprisonnement et 75 000 €
d'amende sont encourues à titre principal4. Elles sont portées à 7 ans d'emprisonnement et 100 000 € d'amende lorsque l'agent a utilisé un service
de communication au public en ligne5. Cela peut paraître excessif lorsque
la provocation n'a pas été faite en direction d'un nombre indéterminé
de personnes. Le législateur a sans doute considéré que la gravité de la
provocation tient à son objet même. Pour le reste, il abandonne au juge un
pouvoir d'appréciation important suivant les circonstances dans lesquelles
le propos a été tenu.
Telles sont donc les dispositions nouvelles. Il ne s'agit pas de la reprise
à droit constant des dispositions antérieures. Il s'agit de dispositions de
lutte contre le terrorisme qui trouvent, à ce titre, logiquement leur place
dans le chapitre du Code pénal consacré au terrorisme. Faut-il vraiment
s'en étonner ?
3. Avant d'esquisser quelques éléments de réponse, on observera que
la loi de 1881 peut d'autant moins être envisagée avec nostalgie que le
renforcement de l'arsenal répressif dans la lutte contre ce genre de propos
s'est poursuivi sans qu'il n'y soit plus fait aucune référence. Ainsi, une loi
du 3 juin 2016 est-elle à l'origine de deux incriminations supplémentaires :
5 ans d'emprisonnement et 75 000 € d'amende sont également applicables
au « fait d'extraire, de reproduire et de transmettre intentionnellement des
données faisant l'apologie publique d'actes de terrorisme ou provoquant
directement à ces actes afin d'entraver, en connaissance de cause, l'efficacité
des procédures prévues à l'art. 6-1 de la loi du 21 juin 2004 pour la confiance
dans l'économie numérique ou à l'art. 706-23, CPP » (art. 421-2-5-1). Il
s'agit de sanctionner les individus qui feraient obstacle au blocage de sites,
décidé par une autorité administrative ou judiciaire, où l'on peut trouver de
tels propos. Par ailleurs, 2 ans d'emprisonnement et 30 000 € d'amende sont
encourus pour le « fait de consulter habituellement un service de communication au public en ligne mettant à disposition des messages, images
ou représentations soit provoquant directement à la commission d'actes
de terrorisme, soit faisant l'apologie de ces actes lorsque, à cette fin, ce
4. Pour mémoire, on rappellera que la provocation directe non suivie d'effet et l'apologie
sont punies, lorsqu'elles sont rendues publiques, de cinq ans d'emprisonnement et 45 000 €
d'amende à l'article 24 de la loi du 29 juillet 1881. La différence, en termes de répression, se
mesure davantage à l'égard des peines complémentaires qu'à l'égard des peines principales :
sur le fondement du droit commun, peut être prononcée une interdiction des droits civiques,
civils et de famille, une interdiction d'exercer, une interdiction de séjour voire du territoire
(Code pénal, article 422-3 et -4).
5. Ce qui n'implique pas que le message ait été « publié » : un tel service peut être utilisé
pour une communication entre plusieurs personnes liées par une communauté d'intérêt.
Il suffit donc que le propos n'ait pas été transmis de manière confidentielle (courrier électronique) pour que la circonstance aggravante s'applique.

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