Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 50

L'OPPORTUNITÉ D'UNE SORTIE DES INFRACTIONS

étant en principe exceptionnelles (article 145-1)13. On peut contester la
légitimité de ces dispositions mais sans doute pas au regard des seuls délits
de provocation directe et apologie publique. C'est d'une manière générale
qu'il faut discuter la pertinence de ces solutions dérogatoires en matière
de terrorisme.
Ici, la rigueur de ce régime est d'autant plus atténuée que le législateur
a prévu des exceptions à son application. Les règles précitées ne sont pas
seules en cause. En effet, il existe également d'autres règles dérogatoires qui
ont été déclarées inapplicables à la poursuite des délits de provocation et
apologie du terrorisme. Il en va ainsi pour les articles 706-88 à 706-94 du
CPP (article 706-24-1) : ne s'appliquent pas ici les possibilités de prolongation de la garde à vue au-delà de 48 heures et les restrictions de droit
applicables à cette occasion ; ne s'appliquent pas davantage les possibilités de perquisition de nuit selon, là encore, des modalités dérogatoires.
Par ailleurs, l'allongement du délai de prescription de 3 à 20 ans pour les
délits en matière de terrorisme est également écarté (article 706-25-1). Les
condamnations prononcées ne sont pas mentionnées au fichier national
automatisé des auteurs d'infractions terroristes (article 706-25-4). Ces
exceptions ont été consacrées moins pour préserver la liberté d'expression
que pour satisfaire une exigence constitutionnelle de proportionnalité : le
régime dérogatoire de la criminalité organisée et a fortiori les dispositions
plus rigoureuses encore de l'antiterrorisme ne peuvent s'appliquer qu'aux
comportements qui portent en eux-mêmes atteinte à la sécurité, à la dignité
ou à la vie des personnes14. Il s'agit là d'une exigence de portée générale qui
a produit ses effets dans bien d'autres hypothèses. Toutefois, elle permet
de considérablement relativiser l'originalité du régime procédural auquel
les provocation et apologie du terrorisme sont soumises.
En l'état, on le constate, la provocation directe et l'apologie publique
continuent d'obéir en grande partie au droit commun. Il n'est pas sûr
que les quelques dérogations applicables soient nécessairement excessives
compte tenu de la gravité des comportements en question. Il semble difficile
de contester au législateur la possibilité de soumettre ces comportements à
un régime spécial qui s'avère fortement atténué. Si une critique devait être
formulée, elle irait plutôt en sens inverse : est-il bien légitime de dépecer
ainsi un régime spécial aussitôt après l'avoir forgé ? Dans un souci de
simplification et d'efficacité, peut-on accepter qu'autant de dérogations
soient apportées à un régime dérogatoire ? N'atteint-on pas un degré de
13. La loi sur la presse admet un placement en détention provisoire de la personne mise
en examen, lorsqu'elle est domiciliée en France, pour provocation directe (suivie ou non
d'effet) mais pas pour apologie publique (art. 52).
14. Comp., s'agissant de l'escroquerie en bande organisée, Cons. const., déc. n° 2014420/421 QPC du 9 octobre 2014, M. Maurice L. et a., cons. 13.

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