Grands Colloques - La réécriture de la loi sur la presse du 29 juillet 1881 : une nécessité ? - 84

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LA POURSUITE DES DISCOURS DE HAINE

raciale ». La loi Pleven du 1er juillet 1972 se situe dans le droit fil de cet
article. À la différence du décret-loi Marchandeau du 21 avril 1939, elle a
fait le choix d'incorporer dans la loi de 1881 sur la presse l'incrimination de
ces trois délits (injure, diffamation et provocation racistes). Un autre texte
important est le protocole additionnel du 28 janvier 2003 à la Convention
de Budapest du 23 novembre 2001 sur la cybercriminalité. Il concerne plus
spécifiquement les communications par voie électronique puisqu'il vise
les actes de nature raciste et xénophobe commis par l'intermédiaire des
systèmes informatiques. La commission nationale consultative des droits
de l'homme (CNCDH) a d'ailleurs recommandé, dans un avis publié en
2015, que la France et les autres pays membres de l'Union européenne et du
Conseil de l'Europe engagent une action diplomatique vigoureuse en faveur
de la ratification de ce texte par le plus grand nombre d'États possibles afin
d'accroître l'efficacité de la lutte contre ce type de délinquance9. Une telle
action est d'autant plus souhaitable que les discours de haine proliférant
sur le web proviennent très souvent de l'étranger. Enfin, parmi les textes
méritant d'être cités, on retiendra la décision-cadre du Conseil de l'Union
européenne du 28 novembre 2008. Celle-ci vise notamment les injures et
incitations à la haine de nature raciste et contient des dispositions relatives
à la circonstance aggravante de motivations racistes et à la responsabilité
pénale des personnes morales. Il apparaît donc, à travers ces textes, que la
liberté d'expression ainsi que la liberté d'opinion connaissent des limites et
que, par suite, la pénalisation des discours de haine par les droits nationaux
est légitime et opportune.
2. La jurisprudence européenne qui s'est développée sur la base du paragraphe 2 de l'article 10 de la Convention européenne des droits de l'homme
(limites de la liberté d'expression), voire sur celle de l'article 17 de la même
convention (interdiction de l'abus de droit), le confirme. Ainsi la juridiction
strasbourgeoise a-t-elle eu l'occasion de se prononcer à maintes reprises sur
le sujet. Deux arrêts relativement récents méritent plus particulièrement
d'être signalés, l'un rendu le 16 juin 2015 sur le fondement du premier
de ces textes10, l'autre le 20 octobre 2015 sur le fondement du second11.
Dans l'affaire Delfi contre Estonie, la Cour a conclu à la non-violation
de l'article 10 de la convention à la suite de la condamnation pénale du
responsable d'un portail d'actualité qui n'avait pas retiré les commentaires
injurieux et propos racistes postés sur le site par des internautes indélicats.
9. CNCDH, Ass. Plén., 12 février 2015, Avis sur la lutte contre les discours de haine sur
internet, spéc. I, B, n° 7, et recomm. n° 2.
10. CEDH, Gr. ch., 16 juin 2015, Delfi c/ Estoni, req. n° 64569/09 (non-violation).
11. CEDH, 20 octobre 2015, M'bala M'bala dit Dieudonné c/ France req. n° 25239/13
(irrecevabilité).
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