Hors collection - Pouvoir politique et finances publiques : quels enjeux au Maroc et en France - 144

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LA RESPONSABILITÉ DES GESTIONNAIRES PUBLICS

La succession (et je ne parle pas de la réserve de précaution qui est dans
la loi elle-même), des gels de crédits, voire des « surgels », crée un paysage
frigorifique pouvant jusqu'à un certain point rendre méconnaissable l'autorisation parlementaire. Et je ne suis plus certain qu'on puisse chaque jour,
chaque mois, chaque année, répondre sincèrement de la bonne manière de
servir les objectifs de la LOLF et les défis qu'elle nous donne en matière de
pilotage par le jeu des outils et des variations budgétaires. Il en va de même
de ce qu'on appelle la fongibilité asymétrique, c'est-à-dire de cette règle fort
vertueuse qui permet de faire des économies sur la dépense de personnel
pour les remployer sur de l'investissement ou du fonctionnement pertinent.
Aujourd'hui, quand on fait une économie sur la dépense de personne, cela
sert surtout à faire une économie tout court.
Un mot enfin plus individuel sur la rémunération à la performance de
chaque individu et chaque manager public. Je dirais qu'elle est trop indistincte, trop peu décisive pour procurer autre chose que, tantôt une petite
vexation, tantôt une petite flatterie à la vanité. Mais je ne crois pas qu'on
puisse en attendre de grands mouvements.
Et pourtant, je suis convaincu que la recherche de la réussite de l'action
publique par l'appel à la responsabilité doit demeurer, car cela est l'essentiel.
D'abord cela peut marcher sur un malentendu. Je prends un exemple
datant de dix ans. Le ministre chargé du Budget était Éric Woerth. Nous
nous préoccupions de rendre réelle et dynamique la politique immobilière de l'État, en commençant par faire en sorte que chacun prenne ses
responsabilités : arrêter d'occuper sans restriction et sans raisonnement
financier des surfaces ou des immeubles pas si utiles que cela, notamment
à l'égard des opérateurs de l'État, plus distants du pouvoir central. Le
ministre avait rassemblé les dirigeants des opérateurs pour leur dire que
s'ils ne respectaient pas les consignes données en matière immobilière, non
pas restrictives mais soigneusement pensées, leur rémunération individuelle
à la performance serait réduite de moitié. Personne n'avait alors dit au
ministre que plus de la moitié des responsables dans la salle n'avait pas de
rémunération individuelle à la performance. Pourtant le message était passé
et cela avait bien marché.
Plus sérieusement, le système sinon de contraintes du moins de cadrage,
quand on le veut bien et si on ne se décourage pas, finit par prendre sens.
Je mentionnerai deux exemples. Nous avons un objectif national des
dépenses d'assurance maladie depuis 1996. Il est voté par le Parlement,
ce n'est pas un prospectus, et il est maintenant respecté. Nous venons
de très loin et cela responsabilise désormais l'ensemble des acteurs de la
santé. Certes, rien n'est parfait et les comptes sociaux ne sont toujours pas
à l'équilibre exact, mais quand on met en balance l'importance de la santé
publique et sa charge, se donner un tel outil est une manière d'assumer sa
responsabilité.

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