Hors collection - Pouvoir politique et finances publiques : quels enjeux au Maroc et en France - 205

MOHAMED BERRADA

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L'expérience de la Trésorerie générale est éloquente à ce sujet. Je ne peux
m'empêcher de rendre hommage à la qualité et à l'expertise des femmes
et des hommes de cette institution pour la révolution managériale qu'ils
ont accomplie, par la disponibilité de l'information en temps réel, son
traitement, par la qualité des services rendus aux citoyens.
Mais devant cette évolution technologique, que devient le pouvoir
politique dans le processus de prise de décision financière ?
Manifestement, il se dilue au niveau des experts et des techniciens.
Cela me rappelle ce qui s'était passé dans les années 1960 lorsque
Galbraith avait mis en évidence l'émergence d'une technostructure au
niveau des grandes entreprises qui avait en fait le pouvoir de décision
opérationnel et même stratégique face à la masse inerte des actionnaires,
c'est-à-dire les propriétaires.
Cette dilution du pouvoir politique, on la retrouve aussi dans les pays
membres de l'Union européenne, et tout particulièrement ceux ayant adopté
l'euro. Ils doivent respecter des critères de convergence, ce qui limite leur
action au niveau des politiques économiques et financières. Le pouvoir de
décision est transféré aux experts de la Commission européenne. Une perte
de souveraineté pour les politiques. Et je comprends la Grande-Bretagne.
Est-ce une similitude dans l'évolution homogène des rôles dans les
secteurs publics et privés ?
Pourtant, si au niveau de l'entreprise, le contrôle de gestion est courant,
il n'en est pas de même au niveau au niveau de l'État. Le budget est une
simple prévision. Le plus important est de voir comment il a été exécuté
et de comparer les réalisations par rapport aux prévisions, d'expliquer les
écarts pour apporter des actions correctrices.
Lorsqu'on regarde la faible importance accordée par le Parlement aux
lois de règlement et tous les documents qui les accompagnent, on reste
interrogatif. Il en est de même avec les nombreux rapports de la Cour
des comptes. Ils sont consistants. Mais quel est l'usage qu'on en fait ?
Pour permettre au Parlement de contrôler et pas seulement de légiférer,
il faut renforcer ses moyens à l'instar des autres Parlements qui disposent
d'équipes d'experts et de moyens matériels étendus.
Quel est en définitive le pouvoir de décision même de nos institutions
législatives face à la complexité des finances publiques et de cet envahissement des technologies d'information et de gestion ?
Le processus de numérisation progressive est-il une réponse au sentiment
d'insécurité et d'incertitude liée à la complexité des sociétés contemporaines ?
Ou bien simplement une confiance dans la technique, et une méfiance à
l'égard de la compétence des politiques ?
Est-ce un moyen implicite pour réduire les risques de corruption ?

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