Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018 - 101

GILDAS DE MUIZON ET OLIVIER SAUTEL

hypothèses du modèle et la ligne générale de défense ôtait toute crédibilité
aux résultats de l'analyse quantitative8.

B. Les autorités de concurrence sont de mieux en mieux
outillées pour mobiliser l'économétrie
Les autorités américaines de la concurrence disposent d'équipes
solides d'une centaine d'économistes et bon nombre d'économètres. La
Commission européenne s'est constituée une équipe similaire. Au niveau
français, l'Autorité de la concurrence prend sa place dans ce mouvement de
développement des analyses économiques et économétriques. L'Autorité
est notamment dotée d'un service économique, en appui des équipes d'instruction, qui a vocation à analyser les études économiques proposées par
les parties et, le cas échéant, à développer ses propres études. L'Autorité de
la concurrence a également précisé les bonnes pratiques applicables pour
la soumission d'études économiques et économétriques9. Cette évolution
accompagne celle des arguments présentés par les parties, l'Autorité étant
amenée à traiter de plus en plus d'études économétriques.
L'Autorité montre dans certains cas la voie à suivre. C'est ainsi que les
services d'instruction ont mené, dans le cadre du cartel sur le marché du
travail temporaire, leurs propres études pour répondre aux scénarios des
parties et tester des hypothèses de choix de période alternatives à celles
défendues par les parties. Sans trancher le débat, l'Autorité a alors été
en mesure de fournir une fourchette d'estimation du résultat qui reflétait l'incertitude méthodologique et lui permettait de conclure de manière
confortable à l'existence d'un dommage significatif10.
8. « En troisième lieu et sur le plan méthodologique, la solidité du modèle contrefactuel
suppose que les structures de coûts des deux échantillons "grands comptes" et "autres comptes"
soient comparables. Mais, selon les parties elles-mêmes qui l'ont d'ailleurs confirmé en séance,
les "autres clients" du modèle contrefactuel sont pour l'essentiel des petits clients qui achètent
sur catalogue des prestations standardisées, alors que les grands comptes recourent à l'appel
d'offres pour des vêtements personnalisés à leurs couleurs dits "vêtements image". Or les
deux études économiques, convergentes sur ce point, exposent de nombreux arguments pour
expliquer en quoi la structure de coût des offres sur mesure est différente de celle d'une
offre standardisée (coût des vêtements, nombre de sites à servir, nombre de salariés par site,
nombre de rotation hebdomadaires qui pèsent sur les coûts logistiques, etc.) », Cons. conc.,
déc. n° 07-D-21, 26 juin 2007, relative à des pratiques mises en œuvre dans le secteur de la
location-entretien du linge, § 107-108.
9. Recommandations pour la soumission d'études économiques à l'Autorité de la
concurrence.
10. « Sans prendre parti sur les différentes hypothèses (en écartant néanmoins celles qui
se réfèrent pour la situation de référence aux années 2005 et 2006 pour les raisons exposées
précédemment), il peut être relevé que les estimations concernant le surprofit d'Adecco vont

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