Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018 - 112

104

DROIT DE LA CONCURRENCE ET NUMÉRIQUE

privées29. À supposer que le cap soit franchi, qu'une position dominante
soit constatée, du moins pour un temps, la plateforme pourrait être redevable de nombreux abus tenant au caractère multiface du marché (1) et à
l'exploitation des données (2).

1. Abus liés au caractère multiface du marché30
18. Les plateformes évoluent traditionnellement sur un marché multiface31, sur lesquelles les algorithmes jouent un rôle fondamental32, en leur
permettant de répondre au mieux aux besoins et attentes des internautes.
Cependant, la définition d'un algorithme peut confiner à la manipulation des
résultats et venir ainsi fausser la concurrence. Cet usage peut reposer soit sur
des accords conclus avec des opérateurs afin qu'ils soient mieux répertoriés,
soit sur un affichage préférentiel des propres services de la plateforme.
19. Dans le premier cas de figure, l'annonceur a acheté « le droit d'être
mieux placé » dans l'affichage des résultats que ses concurrents. En ellemême, cette pratique n'éveille aucune critique33 : elle est de l'essence de la
publicité. La seule limite réside dans la tromperie du consommateur ou de
l'internaute : l'internaute ne doit pas être induit en erreur sur les résultats
qu'il pourrait croire comme le fruit d'un classement naturel. Mais nous
passons alors sur l'autre versant du droit du marché pour aller retrouver le
droit de la consommation dans lequel la loi Pour une République numérique
du 7 octobre 2016 a consacré une obligation de loyauté pour l'ensemble
des plateformes34 portant notamment sur l'information des consommateurs
des liens l'unissant aux annonceurs35.

the product market definition in this case » (Comm. UE, déc. 25 juill. 2014, Apple/Beats
(COMP/M.7290), pt. 19).
29. Aut. conc., déc. n° 14-D-18, 28 nov. 2014, relative à des pratiques mises en œuvre
dans le secteur de la vente évènementielle en ligne et, sur recours, CA Paris, 12 mai 2016,
RG n° 2015/00301.
30. Cet aspect soulève des questions sur les pratiques tarifaires qui sont envisagées par
G. De Muizon (v. supra).
31. B. Julien, Intervention lors du séminaire Philippe Nasse du 5 mai 2011, « Le fonctionnement concurrentiel du marché de la publicité », RLC n° 28/2011, p. 140.
32. Les mêmes questions pourront se poser demain pour l'IA (Intelligence Artificielle).
33. A.-S. Choné-Grimaldi, « Publicité en ligne et pratiques anticoncurrentielles », in
Communication numérique, un droit, des droits, dir. B. Teyssié, éd. Panthéon-Assas, 2012,
p. 244.
34. Une telle obligation avait été posée pour les sites de comparaisons en ligne par la
jurisprudence (Cass. com., 29 nov. 2011, n° 10-27402, Kelkoo. - 4 déc. 2012, n° 11-27729)
et le législateur (nouvel art. L. 111-6 C. consom.).
35. Art. L. 111-7 II, C. consom.

Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018

Table des matières de la publication Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018