Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018 - 176

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LA PREUVE EN DROIT DE LA CONCURRENCE

d'un règlement d'exemption par catégorie54, en public enforcement55, ces
présomptions ne profitent en général qu'aux autorités. Certaines trouvent
leur origine dans la pratique de la Commission56, mais la plupart ont une
origine jurisprudentielle. En tout état de cause, elles ne peuvent produire
leurs effets que si elles sont validées par la Cour de Justice. Des évolutions
ne sont donc pas à exclure, comme l'a montré l'arrêt Bayer de 200457 dans
lequel la Cour de Justice a mis fin à une jurisprudence qui admettait une
présomption d'adhésion des distributeurs aux initiatives du fournisseur.
Cet exemple est toutefois exceptionnel. Dans la période récente, c'est plutôt
à un développement des présomptions que l'on assiste (a), ce qui n'est pas
sans soulever des difficultés (b).

a. Le constat
20. L'utilisation croissante des présomptions peut être constaté tout
d'abord au stade de l'établissement de l'infraction. L'exemple le plus
débattu actuellement concerne la notion de restriction de concurrence par
objet. Cette dernière fonctionne comme une présomption58. En application
d'une jurisprudence constante remontant à l'arrêt Grundig59, l'autorité est
alors dispensée de rapporter la preuve d'effets anticoncurrentiels. L'autorité
peut présumer leur existence. La solution a été confirmée dans l'affaire
du polypropylène à l'occasion du débat sur la question de savoir si une
pratique concertée pouvait avoir un objet anticoncurrentiel60. L'on déplace
ainsi le débat de la preuve des effets anticoncurrentiels vers celui de la qualification : toute la difficulté est alors de déterminer ce qu'est une restriction
de concurrence par objet.

54. Jusqu'à preuve contraire, ce qui implique l'utilisation par la Commission, voire par une
ANC, d'une procédure de retrait, les accords qui remplissent les conditions d'applicabilité
et les conditions de fond d'un règlement d'exemption par catégorie sont présumés répondre
aux quatre conditions cumulatives de l'article 101, § 3, TFUE.
55. La directive 2014/104 UE (préc.) a également recours à des présomptions : v. la
présomption de faute qui découle d'une décision définitive (art. 9, § 1) et la présomption
selon laquelle un cartel cause un préjudice (art. 17, § 2). La première est irréfragable alors
que la seconde est simple.
56. En-dehors des présomptions utilisées pour établir l'affectation du commerce entre
États membres (préc.), v. par ex., les seuils utilisés pour apprécier le caractère sensible de la
restriction de concurrence (communication concernant les accords d'importance mineure
qui ne restreignent pas sensiblement le jeu de la concurrence au sens de l'article 101, § 1,
TFUE (communication de minimis), JOUE, n° C 291, 30 août 2014).
57. CJCE, 6 janv. 2004, préc.
58. V. not., L. Idot, « La qualification de la restriction de concurrence », in La modernisation du droit de la concurrence, sous la dir. de G. Canivet, Paris, LGDJ, 2006, p. 86-107.
59. CJCE, 13 juill. 1966, Consten & Grundig, aff. jtes 56 et 58/64.
60. CJCE, 8 juill. 1999, Commission c/ Anic, aff. C-49/92 P (pts 121 à 123).

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