Hors Collection - Le droit français de la concurrence. 30 ans après l'ordonnance du 1er décembre 1986 - 2017-2018 - 99

GILDAS DE MUIZON ET OLIVIER SAUTEL

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cette question ne repose pas sur une discussion purement économique ou
factuelle, mais relève de la technique économétrique proprement dite et
renvoie aux propriétés statistiques des données, plutôt qu'à une appréciation économique des marchés en cause. Ce type de discussion peut donc
effrayer les juges ou les avocats.
Cependant, la question du choix d'un modèle pour une question donnée
fait généralement l'objet d'un consensus scientifique. Il est donc le plus
souvent facile de mobiliser des manuels considérés comme incontournables
pour juger de la pertinence du choix de tel ou tel outil, une fois que le
contexte économique du cas a été délimité et que les données utilisées sont
précisément décrites. Dans l'exemple donné relatif au choix d'un modèle,
tout bon manuel d'économétrie précise ainsi qu'il est préférable d'utiliser
un modèle de type Probit ou Logit pour des variables binaires de type
« Oui »/« Non » par rapport à une régression dite linéaire. Le choix d'un
modèle donné obéit donc le plus souvent à des standards académiques
reconnus et identifiables. En ce qui concerne le cas de l'autocorrélation, il
existe des tests permettant de mesurer de manière incontestable la présence
d'autocorrélation, et plusieurs techniques alternatives permettent de
surmonter ce biais. Ce débat technique n'a pas effrayé la Cour d'appel
de Paris qui a été en mesure de prendre position, tout en faisant œuvre de
pédagogie comme l'illustre l'arrêt du 27 octobre 2016. La Cour d'appel
y explique ainsi qu'« en présence de séries chronologique, la mesure des
données comporte un aléa quant à l'exactitude de la mesure appelé «erreur»
ou «résidu». Chaque erreur d'une mesure influence l'erreur de la mesure
suivante, ce mécanisme est appelé autocorrélation des erreurs. Lorsque
l'autocorrélation des résidus ou des erreurs est supérieure à 1, les résultats
sont affectés dans leur significativité » (§ 372).
En résumé, une bonne étude économétrique n'est en aucun cas une boîte
noire d'où seraient extraits des résultats sans que l'on sache très bien d'où
ils viennent. Toutes les étapes de calcul peuvent être aisément reproduites
par les autorités de concurrence et les autres parties impliquées dès lors que
les données brutes sont fournies, les retraitements effectués expliqués et
les hypothèses discutées à partir de la compréhension du marché en cause
et de la question visée. L'incertitude associée aux résultats est davantage
une estimation rigoureuse de la limite de validité des résultats avancés, et
les divergences qui peuvent exister entre spécialistes correspondent le plus
souvent ramenées à des débats contradictoires classiques portant sur des
éléments factuels du dossier.

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