Traité de droit civil - Les régimes spéciaux et l'assurance de responsabilité - 4e - 177

LES ACCIDENTS DE LA CIRCULATION

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indifférente à cette qualification et n'empêche pas non plus de retenir contre la victime une faute
inexcusable (335), tant du moins qu'elle n'est pas de nature à la priver de toute conscience.

Dans un arrêt d'Assemblée plénière en date du 10 novembre 1995 (336), la
Cour de cassation a confirmé de façon éclatante sa position dans une espèce
exemplaire où pourtant le comportement de la victime était pour le moins gravement imprudent. Celle-ci ne s'était-elle pas, de nuit, par temps pluvieux, alors
qu'elle était vêtue de sombre, maintenue au milieu de la chaussée d'une route
située hors d'agglomération et dépourvue de tout éclairage, à une heure de fréquentation importante dans le dessein d'arrêter un automobiliste pour regagner
son domicile ? Ces circonstances manifestaient, plus que de l'insouciance, une
certaine témérité qui n'incitait pas à l'indulgence. La Cour suprême ne considéra
pourtant pas que le comportement fautif de la victime méritait le qualificatif
d'inexcusable.
Que faut-il donc pour qu'une faute puisse être jugée inexcusable ?
Pour les piétons circulant sur la voie publique, qui représentent statistiquement l'immense majorité des victimes non conductrices, la faute n'est retenue
que dans des circonstances bien déterminées, correspondant presque à un stéréotype : la victime doit s'être engagée sur une voie à très grande circulation réservée aux véhicules et dont l'interdiction d'accès est matérialisée. Pratiquement, les
arrêts relèvent tous systématiquement la traversée d'une autoroute ou d'une voie
rapide ou encore la traversée à la sortie d'un tunnel, ainsi que le franchissement
d'obstacles (glissières de sécurité, barrière, muret, terre-plein central, etc.) et souvent le refus d'emprunter un passage protégé situé à proximité (337).
On remarquera toutefois que, dans certaines situations, la Cour de cassation relâche parfois - mais pas toujours - ses exigences. Elle a ainsi considéré qu'était inexcusable le fait de
grimper sur le toit d'un autobus à l'arrêt (338), de s'agripper au toit d'une voiture en

Bull. civ. II, nº 80 ; Cass. 2e civ., 23 juin 1993, Bull. civ. II, nº 218 ; Cass. 2e civ., 6 nov. 1996, Resp. civ. et assur.,
1997, comm. 29 ; Cass. 2e civ., 1er avr. 1998, Bull. civ. II, nº 112.
335. Cass. crim., 28 juin 1990, Bull. crim., nº 268 ; Resp. civ. et assur., 1990, comm. 330 ; Cass. 2e civ.,
12 juill. 1989, JCP, 1989, IV, p. 349 ; Cass. 2e civ., 20 mars 1996, Bull. civ. II, nº 68.
336. Cass. Ass. plén., 10 nov. 1995, D., 1996, p. 663, rapport Y. CHARTIER ; JCP, 1996, II, 22564, concl.
M. JÉOL et note G. VINEY ; Gaz. Pal., 14 et 15 févr. 1997, note F. CHABAS ; RTD civ., 1996, p. 187, obs. P. JOURDAIN ;
Defrénois, 1996, p. 762, obs. D. MAZEAUD.
337. Cass. 2e civ., 20 juill. 1987, Bull. civ. II, nº 161 ; Cass. 2e civ., 15 juin 1988, Bull. civ. II, nº 138, 2 arrêts ;
Cass. crim., 14 févr. 1989, Bull. crim., nº 70 ; Cass. 2e civ., 7 juin 1989, Bull. civ. II, nº 121 ; Cass. 2e civ., 28 juin
1989, Bull. civ. II, nº 137 ; Cass. 2e civ., 7 mars 1990, Bull. civ. II, nº 52 ; Cass. 2e civ., 13 févr. 1991, Bull. civ. II,
nº 50 ; Cass. 2e civ., 8 janv. 1992, Bull. civ. II, nº 1 ; Cass. crim., 12 mai 1993, Bull. crim., nº 173 ; Cass. 2e civ.,
23 juin 1993, Bull. civ. II, nº 217 ; Cass. 2e civ., 27 oct. 1993, Bull. civ. II, nº 295, Resp. civ. et assur., 1994,
comm. 9 ; Cass. 2e civ., 6 déc. 1995, Bull. civ. II, nº 300, Resp. civ. et assur., 1996, comm. 90 ; Cass. 2e civ.,
27 mai 1999, Resp. civ. et assur., 1999, comm. 259 ; Cass. 2e civ., 16 déc. 2004, Resp. civ. et assur., 2005,
comm. 90. Adde, pour le fait d'enjamber le parapet d'un pont surplombant une route nationale, Cass. 2e civ.,
16 nov. 2000, Resp. civ et assur., 2001, comm. 41 ; pour des piétons allongés sur une route fréquentée :
Cass. 2e civ., 19 nov. 1997, Bull. civ. II, nº 278 ; Resp. civ. et assur. 1998, comm. 87, obs. H. GROUTEL ;
Cass. 2e civ., 28 mars 2013, nº 12-14522, Bull. civ. II, nº 61 ; Resp. civ. et assur. 2013, comm. 184. V. pour d'autres arrêts, Y. CHARTIER, rapport préc., D., 1996, p. 663 et G. VINEY, note préc., JCP, 1996, II, 22564.
338. Cass. 2e civ., 8 nov. 1993, Bull. civ. II, nº 316 ; Resp. civ. et assur., 1994, comm. 52 ; Defrénois, 1994,
p. 1471, obs. D. MAZEAUD.
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