Droit et Société - L'État du droit administratif - 2e - 218

L'ETAT DU DROIT ADMINISTRATIF

obligée des variations sur un thème connu. Et ce thème est à ce point contraignant qu'il ne laisse au total que peu de place à la novation. C'est dire que la
doctrine est quasiment condamnée à sa propre paraphrase. Revenons un moment sur l'histoire récente de la production doctrinale.
Depuis la fin des années 1980, quatre évènements ont particulièrement servi
le commentaire savant du système français de justice administrative. Ce furent
pour les auteurs, autant d'occasions de remettre à plat les composantes de notre
« affaire ». Il y eut en premier lieu la jurisprudence du Conseil constitutionnel.
A défaut de conférer au juge administratif un statut constitutionnel véritable 14,
elle ne contribue pas moins à la constitutionnalisation de son existence et d'une
part de ses compétences actuelles 15. Puis vint la célébration du bicentenaire de
la loi des 16-24 août 1790 instituant la séparation des autorités administratives
et judiciaires 16. Les colloques organisés en décembre 1999 à Paris, à l'initiative
du Conseil d'État, pour commémorer le deuxième centenaire de l'institution
permirent une fois de plus de faire l'inventaire du dualisme, en France et ailleurs 17. Enfin, il y eut les différentes expressions de la politique de modernisation de la justice administrative : elles intéressent directement le sujet dès lors
qu'il est ici question de traiter ou de prévenir insuffisances et autres effets pervers du dualisme 18. On voit mal quel espace pourrait laisser à une réflexion
inédite la glose élaborée sur et à partir de cette série d'évènements. Au fond, le
discours ne bouge guère, il est voué à osciller entre deux pôles obligés.
D'un côté l'évolution générale du contexte idéologique - les juristes ne sont
pas les derniers à contribuer à la fortune des idées libérales 19 - est comme une
incitation à revenir sur l'aptitude de la juridiction administrative à satisfaire les

14.
15.

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17.
18.

19.

droit administratif et de droit public (Recueil Sirey, Paris, 1927) : « La puissance publique et
le service public ».
V. en ce sens L. FAVOREU, Le juge administratif a-t-il un statut constitutionnel ?, Etudes offertes à J.-M. Auby, Dalloz, 1992, p. 110-128.
Même si l'interprétation de cette jurisprudence n'est pas unanime. V. D. TRUCHET, « Fusionner les juridictions administrative et judiciaire ? », Etudes offertes à J.-M. Auby,
op. cit., p. 335-345, et, Bonnes et mauvaises raisons de mettre fin au dualisme juridictionnel,
Justices, 3/ 1996, Dalloz, p. 53-63.
V. les dossiers de l'AJDA, Juridiction administrative et juridiction judiciaire 200 ans après la
loi de 1790, sept. 1990, et de la RFDA, La dualité de juridictions en France et à l'étranger,
5/ 1990.
V. La Revue administrative, précitée, notamment p. 459 et s., Colloque du deuxième centenaire du Conseil d'État.
V. notamment les études regroupées dans le n° 5/2000 de la RFDA ; V. aussi les livraisons
n° 7-8 et 9/2000 de l'AJDA, ainsi que la rubrique « Le juge », dans le n° spécial Le droit administratif, de l'AJDA de juin 1995.
Le livre discuté de L. COHEN-TANUGI (Le droit sans l'État. Sur la démocratie en France et en
Amérique, PUF, coll. « Recherches politiques », Paris, 1985) a donné à ce tournant libéral une
expression emblématique. V. aussi l'étude, en forme de manifeste, de P. DELVOLVE , Service
public et libertés publiques, RFDA, 1985, p. 1 et s., et la réponse d'E. PISIER, Service public et
libertés publiques, Pouvoirs, 1986, n° 36, p. 143 et s. Sur la critique libérale du droit administratif, V. J. DUBOIS et autres, « La contestation du droit administratif » dans le champ intellectuel et politique, dans Le droit administratif en mutation, travaux du CURAPP, PUF, Paris, 1993, p. 149-174.

DROIT ET SOCIÉTÉ, VOL. 56, 2e éd., 2017

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