Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - L'École de Le Play et le droit - Tome 34 - 179

LA MÉTHODE SOCIALE LEPLAYSIENNE AU SERVICE DES JURISTES

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Tandis que la Revue historique ne souffle mot de l'œuvre de l'historien, sa sœur
aînée, l'ultramontaine et légitimiste Revue des questions historiques accueille avec
chaleur les deux premiers tomes du Droit coutumier, se réjouissant d'une entreprise qui permet enfin de « démontrer, sans crainte d'être démenti, qu'elle [la législation civile de l'ancienne France] avait assuré à nos pères une liberté au moins
égale à celle que l'on croit sortie du mouvement de 1789 »171. La Revue historique de
droit français et étranger adopte à l'égard des ouvrages d'Henri Beaune une attitude nettement plus nuancée, voire hostile. Son fondateur, Jacques Flach, ne
manque pas d'émettre, dans un court entrefilet, « bien des réserves » « sur la
valeur scientifique » de l'ouvrage, ne s'expliquant toutefois pas plus avant172. Les
seules appréciations laudatives de l'œuvre d'Henri Beaune sont le fait d'Ernest
Glasson, futur membre de l'École de la paix sociale, qui déplore toutefois de
nombreuses incorrections, particulièrement dans le premier volume173. Sans se
montrer aussi enthousiaste, Édouard Meynial rend toutefois compte d'un recueil
d'articles d'Henri Beaune, publié sous le nom de Nouveaux fragments de droit et
d'histoire (1899) de manière relativement nuancée, reconnaissant que les études
contenues dans le volume sont « plutôt des œuvres de vulgarisation scientifique que
de recherches personnelles »174. Ces quelques exemples de recensions suffisent à
démontrer que le caractère militant de l'œuvre d'Henri Beaune nuit à sa réception
scientifique. Seuls les périodiques à tonalité conservatrice ou catholique175, ou
encore les revues liées au mouvement leplaysien176, en dressent le panégyrique.
Les revues de tendance républicaine, ou moins engagées, soit ignorent l'œuvre du
professeur, soit en rendent compte de manière mesurée : louant fréquemment
l'initiative d'Henri Beaune, ses opuscules sont en revanche souvent jugés inégaux177 ou de nature vulgarisatrice178. En somme, la réception de l'œuvre du professeur à la faculté catholique de Lyon, très nuancée, conduit à relativiser l'appréciation de Jean Hilaire, selon laquelle les quatre volumes du Droit coutumier français auraient fait autorité en leur temps179. Il manquait par conséquent à Henri
171. G. (S.), Bulletin bibliographique, Revue des questions historiques, 1883, tome 33, p. 697.
172. FLACH (J.), Bulletin bibliographique et critique, RHD, 1881, p. 17.
173. Rapport fait au nom de la section de législation de l'Académie des sciences morales et
politiques par M. Glasson sur le concours du prix Koenigswarter, RHD, 1884, p. 514-515.
174. MEYNIAL (E.), Comptes rendus critiques, RHD, 1901, p. 101-102.
175. M. (L.), Bulletin bibliographique, Correspondant (ci-après Corr.), 1885, p. 571-572 et
GAIRAL (A.), Bibliographie, RCID, janvier 1881, p. 76-79. La recension, extrêmement élogieuse, se
termine de la part du commentateur par une véritable apologie des facultés catholiques : « N'ayant
rien à redouter des investigations de la science et des révélations de l'histoire, l'Église, toujours féconde et
toujours prompte à user, pour le bien de l'humanité, de la part de liberté qu'on lui abandonne, l'Église, qui
n'a pas de pires ennemis, après la mauvaise foi, que l'erreur et l'ignorance, veut contribuer de tout son
pouvoir aux progrès de l'enseignement supérieur » (p. 79).
176. C'est le cas de L'Économiste français, fondé par Paul Leroy-Beaulieu (Bulletin bibliographique,
samedi 27 novembre 1886, p. 663-664, qui recense le troisième tome du Droit coutumier français).
177. THUNOT (E.), Bibliographie, RGD, 1899, tome XXIII, p. 562-563 (à propos des Nouveaux
fragments de droit et d'histoire).
178. BÉRARD (G.), Bibliographie, RGD, 1884, tome VIII, p. 85 (à propos du deuxième tome du
Droit coutumier français). Une exception notable est constituée par une recension extrêmement
laudative de la part de la Revue critique de législation et de jurisprudence (ci-après RCLJ) (DESPREZ,
Bibliographie, 1884, p. 302-304), qui n'hésite pas à situer la vaste fresque du Droit coutumier français
sur le même plan que des auteurs de renom, tels qu'Ernest Glasson. L'auteur du compte rendu,
docteur en droit, signale en outre, que l'ouvrage a été très favorablement accueilli par la presse
scientifique anglaise et allemande, pourtant d'ordinaire si avare de compliments face aux travaux
d'érudition français. De plus, Desprez ne semble aucunement relever, fait singulier pour ce qui est de
l'œuvre d'Henri Beaune, le caractère conservateur très marqué de l'entreprise.
179. Les orientations de l'historiographie..., op. cit., p. 242.

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