Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - L'École de Le Play et le droit - Tome 34 - 404

390

L'ÉCOLE DE LE PLAY ET LE DROIT

et la réforme électorale. À ce titre, ils votent tous, à l'exception d'Henri Germain,
positionné au centre-gauche, pour l'ajournement indéfini de la révision de la
Constitution de 1875 : peine perdue cependant. La loi constitutionnelle du
14 août 1884 entérine la forme républicaine de l'État, désormais insusceptible
d'être modifiée, et proclame l'inéligibilité des princes à la présidence de la République. Elle modifie de plus le recrutement des sénateurs, dans un sens plus favorable aux républicains opportunistes41. En outre, députés comme sénateurs se
positionnent, en 1889, contre le rétablissement du scrutin d'arrondissement, à
l'exception de Louis Buffet. Vaine tentative : redoutant qu'il ne permette le succès
du boulangisme, le Parlement restaure le scrutin d'arrondissement42, auquel les
parlementaires leplaysiens sont hostiles, lui préférant le scrutin de liste départemental. La représentation proportionnelle occupe également l'activité parlementaire de Jules Lemire, d'Alphonse Gourd, Jules Dansette et de Jean Hennessy,
président de la Ligue de représentation proportionnelle et d'action régionaliste.
572. En sus du droit politique, ce sont également les questions économiques
et agricoles qui retiennent l'attention d'une grande majorité des députés et sénateurs inscrits sur les listes de l'École leplaysienne. La plupart affichent leurs
convictions protectionnistes43, à l'instar d'Ernest Loyer, ardent partisan de Jules
Méline, l'artisan des fameux « tarifs Méline » de 1892, destinés à protéger l'agriculture française de la concurrence internationale, en mettant un terme à la politique libre-échangiste dominante depuis le Second Empire. Le seul zélateur du
libre-échange semble être Édouard Aynard, très investi dans les débats sur les
tarifs douaniers, tout comme bien d'autres de ses collègues leplaysiens. Certains,
par ailleurs, sont, avant d'être des hommes politiques, des parlementaires essentiellement, voire exclusivement, préoccupés par les questions agricoles et la
défense des intérêts de leur département. Ainsi, Jules Dansette s'affirme en ardent
défenseur des intérêts du Nord, qu'il estime sacrifiés à ceux du Midi et à la concurrence étrangère. Le comte de Lévis-Mirepoix, pour sa part, intervient exclusivement, en séance, au sujet des débats relatifs au budget de l'agriculture. Sans prétention à l'exhaustivité, citons encore Paul Lebreton, qui s'exprime au sujet du
Code rural, des sociétés agricoles, du tarif général des douanes, des halles centrales ou encore de la réforme de l'impôt sur les boissons.
573. Les séances, au Parlement, sont en outre marquées par une participation des parlementaires leplaysiens aux discussions touchant aux questions de
droit civil. Sans surprise, ils ne manquent pas d'exprimer leur désapprobation lors
des discussions qui, avant 1884, tendent à rétablir le divorce. Léonce de Castelnau
fait, de son côté, entendre la voix des conservateurs opposés à la légitimation des
enfants adultérins. Quant au régime fiscal des successions, il suscite des réactions
de la part du professeur de droit Gustave de Lamarzelle, de Flaminius de Raiberti
et de Charles Chesnelong, lequel combat le principe de la progressivité des droits
de succession. C'est, néanmoins, en matière de législation sociale que le Parlement
enregistre le plus fort taux de participation de ses membres affiliés à l'École
41. CHEVALLIER (J.-J.), Histoire des institutions et des régimes politiques de la France de 1789
à 1958, Paris, Armand Colin, 2001, 9e éd., p. 365-368.
42. MORABITO (M.), Histoire constitutionnelle..., op. cit., p. 335.
43. Sur la position nuancée des disciples de Le Play en la matière, qui refusent d'adhérer à un
système absolu, mais qui évoluent néanmoins du protectionnisme vers le libre-échange,
cf. GALLINATO-CONTINO (B.), Politiques commerciales et Réforme sociale (1881-1914), Annales
aquitaines d'histoire du droit, 1999, tome II, p. 75-132.

Table des matières de la publication Bibliothèque d'histoire du droit et droit romain - L'École de Le Play et le droit - Tome 34