Bibliothèque de droits international et communautaire - Organisations non-gouvernementales, financement étatique et efficacité de l'aide au développement. Une illustration des rôles des ONG en droit international 2017-2018 - 28

ONG, FINANCEMENT ÉTATIQUE ET EFFICACITÉ DE L'AIDE AU DÉVELOPPEMENT

impératifs, auxquels vont s'ajouter les caractéristiques spécifiques à chaque
ONG68, telles que sa mission, ses valeurs, son secteur d'expertise géographique et
sectoriel, son histoire, ses capacités opérationnelles ou ses ressources humaines69.
40. Le financement institutionnel va donc avoir pour effet de concentrer l'aide
des ONG sur les priorités des bailleurs étatiques70 ou sur des pays dans lesquels il est
facile de démontrer le succès d'un projet, afin de recueillir davantage de fonds de la
part de l'État bailleur71. Cela peut générer deux effets pervers opposés pour les États
récipiendaires72. D'une part, un État peut ne recevoir qu'un montant extrêmement
faible d'aide, par rapport aux besoins de sa population (phénomène des « donor
orphans »), parce qu'il ne constitue pas un axe stratégique pour les États bailleurs,
qui ne financent donc pas d'ONG dans ces États, ou parce que l'environnement est
trop hostile, et que les ONG ne souhaitent par conséquent pas intervenir dans ces
conditions. D'autre part, l'aide internationale peut se focaliser sur un certain
nombre de pays, du fait de leur importance stratégique ou médiatique, et devenir
plus importante que leurs capacités d'absorption73 (phénomène des « donor
68. Plusieurs études de cas montrent que les ONG prennent en compte à la fois les besoins, le
financement et les conditions sur le terrain pour prendre une décision d'allocation : FRUTTERO (A.)
et GAURI (V.), « The strategic choices of NGOs : Location decisions in rural Bangladesh », Journal
of Development Studies, 2005, vol. 41, n° 5, pp. 759-787. BRASS (J.N.), « Why Do NGOs Go Where
They Go ? Evidence from Kenya », World Development, 2012, vol. 40, n° 2, pp. 387-401. En juillet 2014,
MSF a publié un rapport mettant en exergue la focalisation des ONG humanitaires sur les paramètres
sécuritaires et logistiques, conduisant à une absence totale d'ONG dans des régions reculées aux
besoins importants : HEALY (S.) et k (S.), Where is everyone ? Responding to emergencies in the most
difficult places, MSF, 2014, 44 p.
69. On peut également considérer que le type de financement choisi par le bailleur va également
influer de manière variable sur les choix des ONG. Ainsi, si certains bailleurs favorisent les financements
annuels ou pluriannuels, laissant une assez large marge de manœuvre aux ONG dans le choix de leurs
champs d'action (voir notamment, dans le cas français : ROSNER (P.-M.), Les collaborations
opérationnelles entre l'AFD et les ONG. Volume 3, AFD, 2008, pp. 51-54), d'autes bailleurs favorisent les
appels à projets, qui impliquent un champ géographique et sectoriel déterminé (voir notamment, au
niveau européen : http://ec.europa.eu/europeaid/work/funding/index_fr.htm, consulté le 5 août 2014).
70. D'un point de vue économique, il apparaît que l'allocation de l'aide des ONG suit l'allocation
de celle des bailleurs : KOCH (D.-J.), « Blind spots on the map of aid allocations : Concentration and
complementarity of international NGO aid », op. cit. ; DREHER (A.), NUNNENKAMP (P.),
THIEL (S.) et al., « Aid Allocation by German NGOs : Does the Degree of Official Financing
Matter ? », The World Economy, 2012, vol. 35, n° 11, p. 1448-1472 ; KOCH (D.-J.), DREHER (A.),
NUNNENKAMP (P.) et al., « Keeping a low profile : what determines the allocation of aid by nongovernmental organizations ? », World development, 2009, vol. 37, n° 5, p. 902-918. Pour un point de
vue contraire : NANCY (G.) et YONTCHEVA (B.), « Does NGO Aid Go to the Poor ? Empirical
Evidence from Europe », IMF Working Paper, 2006, n° 39, 21 p.
71. Cela implique que les ONG vont se concentrer dans des États à relativement bonne
gouvernance (KOCH (D.-J.), « Blind spots on the map of aid allocations : Concentration and
complementarity of international NGO aid », op. cit.) ou dans des États dans une situation de
pauvreté moins accrue (DREHER (A.), MÖLDERS (F.) et NUNNENKAMP (P.), « Are NGOs the
better donors ? A case study of aid allocation for Sweden », Kiel Working Paper, 2007, n° 1383 et
NUNNENKAMP (P.), WEINGARTH (J.) et WEISSER (J.), « Is NGO aid not so different after all ?
Comparing the allocation of Swiss aid by private and official donors », European Journal of Political
Economy, 2009, vol. 25, pp. 422-438). Pour un point de vue contraire : NANCY (G.) et YONTCHEVA
(B.), « Does NGO Aid Go to the Poor ? Empirical Evidence from Europe », op. cit.
72. KOCH (D.-J.), « Blind spots on the map of aid allocations : Concentration and
complementarity of international NGO aid », op. cit., p. 16 : « Does the absence of a division of
labour between NGOs and bilateral donors in terms of country allocations contribute to the donor
darling/donor orphan divide ? A cross-sectional analysis shows that it probably does, because some
countries receive considerable aid amounts while others receive virtually nothing ».
73. C'est particulièrement le cas pour la réponse humanitaire après certaines catastrophes
particulièrement médiatisée : BENNETT (J.) et al., Coordination of the international response to

http://ec.europa.eu/europeaid/work/funding/index_fr.htm

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