Bibliothèque de droits international et communautaire - Organisations non-gouvernementales, financement étatique et efficacité de l'aide au développement. Une illustration des rôles des ONG en droit international 2017-2018 - 287

LES POSSIBILITÉS DE RESPONSABILISATION ACCRUE

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rendre compte des facteurs pouvant favoriser ou défavoriser l'adoption d'un texte
contraignant. Celui-ci se définit comme réunissant trois dimensions : l'obligation,
la précision et la délégation5. Obtenir un degré élevé de réalisation de ces trois
dimensions, c'est-à-dire une norme au sens strict du terme, comporte des coûts : des
coûts de négociation (chaque acteur sera plus pointilleux sur les termes à adopter si
ceux-ci sont contraignants), des coûts bureaucratiques (un texte contraignant
requerra probablement un niveau d'autorisation, de signature et de ratification plus
élevé) et des coûts en matière de souveraineté (les acteurs seront réticents à « se lier
les mains » dans un domaine sensible ou sur un accord au champ d'application
étendu). Ces coûts varient en fonction des structures impliquées, de l'ampleur des
différences entre les cultures juridiques des acteurs, de la teneur politique du sujet
discuté et de l'incertitude concernant l'évolution de ces questions.
723. Bien que les ONG aient réfléchi à leur redevabilité depuis quelques décennies, la question de l'efficacité de l'aide est relativement nouvelle. Structurée autour de
la conception étatique, elle a conduit les ONG à développer un nouveau concept, l'efficacité du développement. De fait, les conséquences de ce concept sur le travail des
ONG sont encore incertaines. Ces éléments ont conduit à ce que le niveau d'engagement soit faible sur les trois dimensions de la norme : les normes existantes impliquent
peu d'obligations pour les ONG, elles ne sont pas précises, et elles ne délèguent pas à
une autorité extérieure le contrôle de leur respect. Pour autant, ces éléments peuvent
évoluer dans le temps : au fur et à mesure de la diffusion et de l'application des principes aux ONG, il sera possible d'ajuster ces principes, de les définir plus précisément
et, éventuellement, d'y inclure un mécanisme de contrôle du respect des normes. Un
élément peut cependant rendre difficile la continuation de ce processus de « légalisation » : la diversité des acteurs impliqués. De fait, l'adoption de normes précises semble
impossible lorsque celles-ci doivent s'appliquer à une variété de contextes. L'adoption
de normes différenciées, en fonction de la nature des ONG, de leur taille, de leur secteur d'intervention, pourrait ainsi venir utilement compléter le Cadre de Siem Reap et
lui permettre d'atteindre un degré de précision et d'obligation plus important6.
724. Le Cadre de Siem Reap : une norme non cristallisée. Le concept de « cycle
de vie de la norme », développé par les Professeurs Finnemore et Sikkink7 peut
également apporter une perspective intéressante aux normes non-étatiques en
matière d'efficacité de l'aide. Leur analyse se base sur les processus étatiques, mais
leur raisonnement peut en réalité s'appliquer à tout processus normatif. Les auteurs
dégagent trois phases dans ce cycle de vie : l'émergence, l'acceptation et l'internalisation8. L'émergence constitue le stade préliminaire de la norme juridique, puisqu'il
KEOHANE (R. O.), MORAVCSIK (A.), SLAUGHTER (A.-M.) et SNIDAL (D.), « The Concept of
Legalization », pp. 401-419 et ABBOTT (K .) et SNIDAL (D.), « Hard Law and Soft Law in
International Governance », pp. 421-456. Pour une critique, voir l'article paru dans la même revue :
FINNEMORE (M.) et TOOPE (S. J.), « Alternatives to "Legalization" : Richer Views of Law and
Politics », International Organization, 2001, vol. 55, n° 3, pp. 743-758.
5. ABBOTT (K. W.) et SNIDAL (D.), « Hard and Soft Law in International Governance », op. cit.,
p. 424. Pour ces auteurs, le niveau de chaque élément du triptyque obligation / précision / délégation (O, P,
D) permet de distinguer le droit dur du droit mou, qui se situe aux deux extrêmes du même continuum.
Nous considérons que cela peut également être utilisé pour distinguer droit et non-droit.
6. Concernant la dimension « délégation », voir infra, B.
7. FINNEMORE (M.) et SIKKINK (K.), « International Norm Dynamics and Political
Change », International Organization, 1998, vol. 52, n° 4, pp. 887-917.
8. La seconde phase, en anglais « norm acceptance », est également qualifiée de « cascade » par
les auteurs, qui empruntent l'expression à Cass Sunstein : ibid., p. 895.

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