Bibliothèque de droit public - Tome 298 - Les théories jurisprudentielles en droit administratif - 246

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LES THÉORIES JURISPRUDENTIELLES EN DROIT ADMINISTRATIF

La théorie des associations transparentes est également accueillie comme
une réponse à la multiplication des abus dans le recours aux associations paraadministratives pour assurer la gestion et l'exécution du service public dans le but
d'échapper aux contraintes des règles en matière de marchés publics104. La dérogation que met en œuvre une théorie jurisprudentielle ne peut être justifiée que si
les inconvénients du point de vue de la stricte légalité sont couverts par les avantages pratiques qu'elle engendre.
620. En outre, c'est sur le terrain de l'utilité pratique qu'est jugée la pertinence des théories. F. Chevallier reconnaît par exemple que la théorie des opérations complexes est « animée par des considérations pratiques », mais dénonce
son « utilité toute relative dans le cadre d'un système où le contrôle de la légalité
de l'administration repose sur le procès fait à l'acte »105.
Une théorie perd son utilité pratique dès lors que d'autres moyens juridiques
permettent d'aboutir à la même solution. Pour certains auteurs par exemple, la
théorie de l'inexistence « n'a pas réellement de raison d'être car les effets qu'elle
implique peuvent être obtenus par des mécanismes existant déjà » et, le plus souvent, par la reconnaissance classique de l'illégalité106. La question d'une théorie
des droits acquis a pu également en ce sens être écartée, cette dernière n'étant pas
jugée nécessaire en pratique : les solutions auxquelles elle conduit peuvent être
justifiées par référence à d'autres règles comme le principe de non-rétroactivité, le
principe d'intangibilité, la notion de compétence liée107 et, aujourd'hui, le principe
de sécurité juridique.
C'est encore sur le terrain de l'utilité de la jurisprudence que les auteurs ont
cherché à défendre l'abandon ou le maintien de la théorie de la voie de fait108. Les
lacunes pratiques de la théorie sont mises en avant pour justifier sa disparition,
comme cela a d'ailleurs été le cas pour la théorie de l'emprise irrégulière109.
En matière de compétence liée, une théorie peut se concevoir au regard des fonctions purement pratiques qu'elle peut remplir : il s'agit non pas de guider le comportement de l'administration et de lui permettre de savoir quand elle peut s'affranchir
des procédures légales, mais d'éviter des annulations inutiles dans le sens où elles
conduiraient l'administration à reprendre le même acte110. Selon J.-M. Auby, « le juge,
104. J. Fialaire, « Association et services publics locaux », Jurisclasseur collectivités territoriales,
cote 01, 2009 ; fasc. 767, 4 novembre 2008, n° 4, point 158.
105. F.  Chevallier, « La fonction contentieuse de la théorie des opérations administratives
complexes », op. cit., respectivement p. 333 et 347.
106. V. Nadan, « Quelques remarques sur l'utilité d'une modulation à l'envers : l'inexistence en
question », DA, 2010, n° 6, p. 14.
107. J.-M. Auby, « L'abrogation des actes administratifs », AJDA, 1967, p. 137.
108. Par exemple, R. Abraham, explique l'accueil complaisant de la théorie de la voie de fait par
la faiblesse des procédures d'urgence devant le juge administratif, « L'avenir de la voie de fait et le
référé administratif », in Mélanges en l'honneur de G. Braibant, 1996, Dalloz, pp. 1-13 ; De même, son
maintien après l'instauration du référé-liberté est justifié, selon le commissaire du gouvernement
J. Sainte-Rose, par la force exemplaire de la théorie, sur TC, 23 octobre 2000, M. Boussadar c/ Ministre
des affaires étrangères, op. cit., « La théorie de la voie de fait doit-elle être abandonnée ? », D., 2001,
pp. 2332-2334.
109. « Fragilisée, la théorie a vacillé et chuté, emportée par ses propres infirmités théoriques et
surtout, pratiques », A. Bretonneau, « L'emprise irrégulière tire sa révérence », AJDA, 2014, p. 218.
110. C'est le sens de la chron. gén. de F. Raynaud et P. Fombeur, à propos de CE, Sect., 3 février
1999, Montaignac, préc., AJDA, 1999, pp. 567-572.
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