Bibliothèque de droit public - Tome 298 - Les théories jurisprudentielles en droit administratif - 358

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LES THÉORIES JURISPRUDENTIELLES EN DROIT ADMINISTRATIF

règle jurisprudentielle sous un aspect cohérent afin de lui conférer une valeur particulière au sein de l'ordonnancement juridique. Elle propose une simplification
réductrice de cette règle (a) qu'elle met en forme dans un objectif de cohérence (b).
a) Une version simplifiée de la jurisprudence
954. Notamment du fait de sa capacité à s'adapter aux conjonctures, le droit
administratif est un droit originellement complexe. Il s'agit d'un système établi sur
la base de formules souples et de distinctions variées dont on peut dire que la complexité est même l'une de ses propriétés intrinsèques70. Du reste, cette complexité n'a
cessé de s'accroître. « Dilution du pouvoir au sein de l'espace national et européen ;
prolifération du pouvoir législatif ou réglementaire et des instances pourvues de
fonctions normatives ; brouillage des notions classiques, consécutif au développement d'une société "mixte" et à l'internationalisation des relations sociales » sont
autant d'éléments qui contribuent aujourd'hui à cette complexification71.
955. Les théories jurisprudentielles constituent, à cet égard, une tentative de
simplification jurisprudentielle. Elles visent à stabiliser et clarifier les solutions
juridictionnelles, à créer de la logique là où la méthode empirique rend compte du
chaos. Elles sont utilisées pour aplanir les incohérences et offrir une logique formelle à l'ensemble des règles jurisprudentielles.
Par exemple, les actes d'un fonctionnaire dont la nomination a été annulée et
qui devraient, par conséquent, faire eux-mêmes l'objet d'une annulation, peuvent
être maintenus dans l'ordonnancement juridique et trouvent, derrière la théorie
du fonctionnaire de fait, une justification juridique simple qui ne remet pas en
cause le principe de l'annulation des actes pour incompétence.
956. La version simplifiée que présente une théorie est d'autant plus utile
que la jurisprudence qui en est l'objet est complexe ou controversée. La contraction de la règle autour d'un arrêt phare et de conditions restrictives d'application
constitue une référence accessible qui permet de passer outre certaines subtilités
jurisprudentielles. Les théories jurisprudentielles sont utilisées comme des métonymies : la réduction jurisprudentielle est prise pour la jurisprudence, avec tout ce
que cela implique : « La métonymie rature les questions, donne les réponses,
comme des prémisses caractéristiques, et singularise dans le réservoir des données
celle qu'il faut prendre en compte, faisant comme si cela allait de soi »72. Par la
simplification qu'elles opèrent, elles permettent alors de faire l'économie de certaines interrogations. Les jugements de valeur qui en sont au fondement73 sont
escamotés au profit de l'intelligibilité de la norme.
957. À travers les théories jurisprudentielles, la jurisprudence est présentée
sous une ligne continue où les catégories juridiques sont modifiées dans leur
contenu sans être remises en cause. Si le schéma simplifiant qu'elles offrent de la
jurisprudence peut conduire à des approximations du point de vue de la réalité
empirique, ces dernières se justifient aux yeux du discours juridique par la volonté
de vaincre la complexité de la jurisprudence.
70. F. Burdeau, « La complexité n'est-elle pas inhérente au droit administratif ? », in Université
Panthéon-Assas, Clés pour le siècle, Dalloz, 2000, pp. 417-435.
71. Ibidem, p. 418.
72. M. Meyer, Principia rhetorica, Une théorie générale de l'argumentation, PUF, Quadrige,
2010, p. 136.
73. Cf. supra, n° 863 et s.

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