Bibliothèque de droit public - Tome 298 - Les théories jurisprudentielles en droit administratif - 69

LES THÉORIES DANS L'HISTOIRE DU DROIT ADMINISTRATIF

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« Non, la juridiction administrative n'est pas une juridiction exceptionnelle et d'attribution ; elle est la juridiction ordinaire et normale quand il s'agit de statuer sur les
droits et les obligations qui dérivent pour les citoyens et pour l'administration des
lois et règlements qui ont organisé les services publics, et des actes d'autorité faits
par l'administration en exécution de ces lois »55.
148. Dès la seconde moitié du XIXe  siècle, l'évolution de la nature du
contentieux administratif a fait de l'acte administratif, au même titre que de
l'État débiteur, non plus un simple écran à la compétence judiciaire, mais un
véritable critère d'appréciation de la compétence juridictionnelle. Désormais
conçue de façon autonome et non comme simple négatif de l'autorité judiciaire, la juridiction administrative est expressément visée par les arrêts de
répartition des compétences contentieuses56. La distinction établie entre les
actes de pure administration57 et ceux relevant de l'administration contentieuse
marque cette évolution58. Progressivement, l'administration se dissocie en deux
branches permettant la consécration d'une justice administrative59. Avant l'arrêt Blanco du Tribunal des conflits, le Conseil d'État affirme l'existence au sein
même de l'administration d'une dualité fondamentale entre les autorités administratives et contentieuses60.
149. Jugeant que l'acte administratif n'a jamais été au cours de l'histoire du
droit administratif un critère suffisant de ventilation des compétences en faveur
du Conseil d'État, G. Bigot affirme que « la théorie de l'acte administratif ne
délimite pas un champ d'intervention autonome en faveur du juge gouvernemental »61. Pourtant, et même si la référence abusive aux lois révolutionnaires à l'origine de la généralisation de la compétence contentieuse administrative a souvent
55. CE, 20 février 1869, Pinard, Rec., p. 191 ; concl. L. Aucoc, D. 1869, III, 74. Préc. : « Non, il
n'est pas nécessaire, en principe qu'un texte exprès, spécial à une question déterminée, attribue
compétence à la juridiction administrative, à l'exclusion de l'autorité judiciaire », ibidem, p. 75.
56. Cf. les arrêts qui suivent : Cf. 4 déc 1867, D., 1868, III, 44 ; 11 mai 1870, D., 1871, III, 62 ;
21 janvier 1871, D., 1871, III, 25.
57. Ou actes de l'administration active, cette dernière formule plus contemporaine traduisant un
glissement vers l'ouverture du recours contentieux.
58. Pour des développements à propos de la distinction, Cf. par ex. G.  M. Dufour, Traité
général de droit administratif appliqué, t. 1, Delamotte ainé, 1843, p. 303-305 ; R. Dareste, La justice
administrative en France ou traité du contentieux, 1862, Auguste Durand, p. 222 ; et dans le discours
contemporain, G.  Bigot, Introduction historique au droit administratif depuis 1789, PUF, « Droit
fondamental », 1re éd., 2002, p. 75.
59. Dès lors qu'a été instauré un contentieux administratif matériel et formel, c'est-à-dire spécial,
selon E. Artur, à la fois en tant qu'il prend sa source dans les actes de l'administration, mais aussi
parce qu'il exclut la compétence du juge judiciaire pour en traiter, E. Artur, « Séparation des pouvoirs
et séparation des fonctions », RDP, 1902, Art. XVI, « Dans quel cas peut-on dire qu'il y a ou qu'il n'y
a pas « justice administrative », p. 88.
60. Dans les arrêts Thome et Genot du 20 janvier 1871 relatifs à une demande en indemnité
formée par un particulier contre l'État à raison de ce que, par la faute des agents de l'administration,
une dépêche télégraphique destinée au réclamant ne lui est pas parvenue, et au visa de la loi des
16 et 24 août 1790 et celle du 16 fructidor an III notamment, le Conseil d'État juge : « qu'il suit de
là que les contestations de cette nature doivent être portées devant la juridiction administrative, à
moins qu'il n'en ait été autrement ordonné par la loi  ; que vainement, pour contester ces règles
fondamentales, on objecte qu'il est intervenu un grand nombre de lois pour attribuer à l'autorité
administrative la connaissance de contestations concernant les services publics ; qu'en effet, les lois
dont il s'agit ont eu moins pour but d'établir la compétence de l'autorité administrative, à l'exclusion
de l'autorité judiciaire, que de désigner des juges parmi les autorités administratives ayant
juridiction », S., 1871, II, p. 24.
61. G. Bigot, « Les mythes fondateurs du droit administratif », RFDA, 2000, pp. 528-529.
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