Les Intégrales - Volume 20 - Droit de la communication audiovisuelle - 1re - 153

Chapitre 2 - Le Conseil supérieur de l'audiovisuel

De nombreux litiges ont été soumis au Conseil en application de son pouvoir spécifique
de règlement des litiges. Certains ont pu pousser le Conseil à adopter des recommandations spécifiques, notamment en matière de numérotation des chaînes de télévision sur
les plateformes des distributeurs253.
208 L'étendue des pouvoirs du Conseil en matière de contrats. Les termes très larges de
l'article 17-1 posent la question de l'étendue des pouvoirs du Conseil en matière de
contrats, et notamment sur le point de savoir s'il peut prononcer une injonction aux fins
de conclure un contrat.

Le Conseil d'État a précisé les contours des pouvoirs du Conseil sur ce point en 2011
dans une affaire Métropole Télévision254. En l'espèce, la société AB Sat, distributrice
de services audiovisuels par satellite, a sollicité de Métropole Télévision, éditeur du
service M6, la mise à disposition de sa chaîne en vue de la constitution d'une offre
d'abonnement. L'éditeur ayant refusé d'engager des négociations, AB Sat avait saisi le
Conseil du différend. Ce dernier avait estimé le refus de contracter discriminatoire et
avait enjoint à Métropole Télévision de présenter, dans un délai de six semaines après la
notification de la décision, une proposition commerciale de distribution de la chaîne
M6255. Saisi par M6, le Conseil d'État annule la décision. Après avoir rappelé que les
pouvoirs du Conseil au titre de sa mission de règlement de différends doivent être conciliés avec la liberté contractuelle des éditeurs et distributeurs de services audiovisuels, le
Conseil d'État distingue selon que le différend soumis au Conseil naît dans le cadre d'une
relation contractuelle établie ou d'une offre de contrat, ou en dehors de ce cadre. Jugé
que dans le premier cas, le Conseil peut, pour assurer le respect de l'ensemble des principes et obligations énumérés à l'article 17-1 :
« prononcer, sous le contrôle du juge, des injonctions ayant une incidence sur la conclusion, le contenu ou l'exécution des conventions entre les parties au différend, y compris
si les circonstances de l'espèce l'exigent l'injonction de faire à l'autre partie une nouvelle
offre de contrat conforme à certaines prescriptions ».
En revanche, les pouvoirs du Conseil sont plus restreints quand il est saisi d'un différend
en l'absence de relation contractuelle ou de toute offre de contrat. Dans ce cas :
« le Conseil supérieur de l'audiovisuel ne dispose du pouvoir de prononcer une telle
injonction de faire une offre que, d'une part, envers un opérateur à qui la loi fait
expressément obligation de mettre à disposition un service ou de le reprendre ou,
d'autre part, dans le cas où cette injonction est nécessaire pour prévenir une atteinte
caractérisée à l'expression pluraliste des courants de pensée et d'opinion, à la sauvegarde de l'ordre public, aux exigences de service public, à la protection du jeune
public, à la dignité de la personne humaine et à la qualité et à la diversité des
programmes »256.
(253)
(254)
(255)
(256)

Infra nº 582.
CE, 4e et 5e ss-sect. réunies, 7 déc. 2011, nº 321349, Métropole Télévision, rec.
Décision nº 2008-523 du 8 juill. 2008.
En l'espèce, « considérant qu'aucune obligation légale de mise à disposition de son signal à un distributeur par
satellite ne pesait sur l'éditeur privé du service gratuit M6 ; qu'il résulte de l'instruction que la société Métropole
Télévision et la société AB Sat n'étaient engagées, quand est survenu entre elles le différend, dans aucune relation
contractuelle et que l'éditeur n'avait fait aucune offre de mise à disposition du programme M6 ; que dans ces conditions, le Conseil supérieur de l'audiovisuel, qui n'a relevé aucune atteinte caractérisée aux principes énumérés cidessus, mais uniquement un comportement discriminatoire de l'éditeur au détriment de la société AB Sat, ne
pouvait prononcer l'injonction litigieuse sans méconnaître l'étendue de ses pouvoirs ; qu'il y a lieu, pour le Conseil
d'État, d'annuler pour ce motif la décision attaquée et de régler le différend au titre du recours de pleine juridiction
dont il est saisi ;
Considérant qu'il ne résulte pas de l'instruction, et qu'il n'est pas même allégué, que le refus de la société Métropole Télévision de mettre le service M6 qu'elle édite à la disposition du distributeur AB Sat porterait, aux principes
énoncés à l'article 17-1 de la loi du 30 sept. 1986, une atteinte susceptible de justifier le prononcé d'une injonction de faire une offre de contrat en l'absence de relations contractuelles existantes entre l'éditeur et le distributeur

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