Systèmes - Dynamiques du droit de l'urbanisme - 1re - 50

Dynamiques du droit de l'urbanisme

La perspective historique livre là encore des clés pour comprendre les
tensions internes à la matière.
La loi de 1919 a confié aux communes les plus importantes le pouvoir
d'élaborer les plans d'urbanisme, le maire choisissant les urbanistes,
ingénieurs ou architectes qui assistent la commune. Certes, le plan
n'acquiert force contraignante qu'après avoir été déclaré d'utilité publique
par décret en Conseil d'État. Mais il faut voir là la manifestation du poids
alors donné au respect de la propriété, dans la conciliation des intérêts
publics et privés, autant qu'une façon pour l'État de garder un contrôle sur
la planification urbaine.
Les effets de la loi sont modestes : en 1940, parmi les près de
2 000 communes éligibles à l'élaboration d'un plan d'urbanisme, seules 273
disposent d'un plan déclaré d'utilité publique. Ce résultat s'explique
aisément par la nouveauté de la législation, qui heurte le droit des
propriétaires, « premier parti de France », et par la lourdeur de la procédure
d'élaboration.
Mais l'urbanisme ne sera pas le terrain d'expression d'un « empowerment »
à la française, démarche tendant à mettre les responsables locaux en mesure
d'exercer effectivement et efficacement les pouvoirs qui leur sont confiés.
Le vieux tropisme centralisateur est à l'œuvre. Il peut se prévaloir des
réalisations au sein de l'empire colonial, où le dirigisme du pouvoir central
ne se heurte pas aux obstacles de tout ordre que son autorité rencontre en
métropole.
L'exemple marocain est le plus significatif. Le maréchal Lyautey,
gouverneur de 1912 à 1925, confie à Henri Prost, en 1913, la direction des
services d'architecture du Protectorat. C'est l'occasion de la première loi
d'urbanisme, le dahir chéfirien du 16 avril 1914, qui précède la loi
métropolitaine de 1919. La vision planificatrice s'exprime nettement. Le
texte déclare en préambule s'inspirer des législations étrangères les plus
modernes mais également des diverses préoccupations particulièrement
impérieuses au Maroc, notamment l'hygiène, l'esthétisme qui impose la
protection des richesses culturelles du pays mais également la nécessite
de devancer l'urbanisation rapide qui se profile. Il comporte la création
d'un régime de police administrative élaboré : création d'une autorisation
administrative préalable, complétée en 1924 par le visa spécial du service
des Beaux-Arts, pour les constructions le long des voies et places
publiques. Et une administration de l'urbanisme est mise en place : un
bureau central des plans de ville, un bureau des plans dans chaque ville et
un service des Beaux-Arts et des Monument Historiques.
L'urbanisme en France est résolument centralisé par le régime de Vichy.
La loi sur l'urbanisme du 15 juin 1943 distingue les plans établis par les
groupements d'urbanisme et ceux établis à l'échelle de la commune. Dans
les deux cas, tant l'initiative du projet que la désignation de « l'homme de
l'art, qualifié en matière d'urbanisme » sont dans la main de l'État, qui

50
Table des matières de la publication Systèmes - Dynamiques du droit de l'urbanisme - 1re
