Droit et Économie - L'ordre public économique - 77

VERS UN ORDRE PUBLIC ÉCONOMIQUE RÉGULATOIRE AUTONOME ? 77

et traduit l'évolution de la notion d'ordre public venue inclure des aspects
immatériels notamment d'ordre économique42 et qu'elle ne peut donc
s'éloigner de la fonction de police. Si l'on réduit l'ordre public économique
à un ordre public concurrentiel, on peut en effet considérer que la police
de la concurrence, en tant que police économique, est devenue le vecteur
exclusif de cet ordre public économique. L'appellation « gendarme de la
concurrence » souvent accolée à l'ALC en est (ou était) le reflet.
Il est vrai que les juridictions nationales justifient également un certain
nombre de pouvoirs des autorités de police de la concurrence au nom de
cet ordre public économique. Le Conseil constitutionnel a par exemple
confirmé l'ensemble des pouvoirs reconnus au ministre au titre de l'article L. 442-6 du Code de commerce - consistant à pouvoir agir pour faire
cesser certaines pratiques restrictives mentionnées dans cet article, en invoquant « les objectifs de préservation de l'ordre public économique »43 assignés par le législateur. Il en va de même de l'attribution d'un pouvoir de
sanction pécuniaire à l'ALC, justifié au nom de la poursuite de l'objectif de
l'ordre public économique44. À ce titre également, les « amendes civiles
prévues par les dispositions du paragraphe III de l'article L. 442-6 ont
pour objectif, pour préserver l'ordre public économique, de sanctionner
les pratiques restrictives de concurrence qui sont commises dans l'exercice
des activités économiques mentionnées par le paragraphe I de cet
article »45. De la même façon, les sanctions de retrait d'une autorisation
de concentration de l'article L. 430-8 du Code de commerce et d'injonction
sous astreinte de devoir se conformer aux engagements sont justifiées par
leur objet qui « outre sa portée punitive (...) est la préservation de l'ordre
public économique »46. Finalement, le Conseil d'État considère que l'ALC
42. Démonstration effectuée par P. DELVOLVÉ, in « L'ordre public immatériel », RFDA 2015,
p. 890. À l'inverse, G. Marcou démontre que cet ordre public économique « concurrentiel »
constitue « un espace normatif distinct » parallèle à l'ordre public général et qu'il fait donc
« figure d'ordre public économique général », Annales de la régulation, vol. 2, 2009, p. 90.
43. Cons. const., 13 mai 2011, nº 2011-126 QPC, Soc. Système U centrale nationale et Soc. Carrefour SAS.
44. Pour les sanctions de l'article L. 464-2 du Code de commerce : Cons. const., 14 oct. 2015,
nº 2015-489 QPC, Sté Grands Moulins de Strasbourg SA et autre ; Cons. const., 7 janv. 2016,
nº 2015-510 QPC : « Considérant qu'en instituant une sanction pécuniaire destinée à réprimer les pratiques anticoncurrentielles, le législateur a poursuivi l'objectif de préservation de
l'ordre public économique ; qu'un tel objectif implique que le montant des sanctions fixées
par la loi soit suffisamment dissuasif pour remplir la fonction de prévention des infractions
assignée à la punition » ; déjà avant voir Cons. const., nº 2015-489 QPC, cons. 6. Il en va de
même pour les sanctions pécuniaires de l'article L. 430-8 du Code de commerce, v. CE ass.,
21 déc. 2012, nº 353856, préc.
45. Cons. const., 18 mai 2016, nº 2016-542 QPC.
46. Cons. const., 12 oct. 2012, nº 2012-280 QPC, Sté Groupe Canal Plus et autre, cons. 11 et CE ass.,
21 déc. 2012, nº 353856, Sté Groupe Canal Plus et Vivendi Universal. Ces sanctions doivent donc
« être proportionnées à la gravité des manquements constatés et aux exigences de maintien
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