Contextes - Penser l'ancien droit privé - 102

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DROITS PRIVÉS NON OCCIDENTAUX

mobilier, sans témoin ni contrat, des mains d'un fils d'homme libre ou d'un
esclave21. La difficulté est double. Elle tient d'abord au sens de l'expression
« fils d'un homme (libre) », qui peut désigner un véritable lien de filiation
ou l'appartenance à une catégorie sociale, en l'occurrence celle des libres
par opposition aux esclaves. Il y a ensuite la place de ce paragraphe, sans
lien apparent avec les deux dispositions qui l'encadrent (§§ 6 et 8) et qui
incriminent le vol et le recel de biens appartenant à une institution (temple,
palais) ou à un particulier. Selon Koschaker, cette anomalie jointe à l'association maladroite de deux catégories juridiques aussi différentes que l'achat
et le dépôt, trahissent l'altération du texte d'origine : initialement rattaché
au groupe formé par les §§ 9-13 sur la vente d'une chose perdue, le § 7
aurait été modifié pour inclure le dépôt et sanctionner celui qui contracte
avec un ingénu ou un esclave22.
En réalité, les §§ 6-13 constituent un ensemble dont l'unité thématique
est construite autour de la racine du vol (ŠRQ), déclinée en verbe (šarāqum
« voler ») ou en substantifs (šarraqum « voleur » ; šurqu « biens volés »). Le
§ 7 réprime un cas particulier constitué par l'achat ou le dépôt effectués par
le fils de famille ou l'esclave, tous deux soumis à la puissance d'un père ou
d'un maître, ce qui exclut la bonne foi du partenaire contractuel23.
N'y a-t-il donc rien à prendre dans le droit romain pour éclairer les
droits du Proche-Orient ancien ? Si bien sûr, et les publications de textes
nouveaux en témoignent. On a ainsi découvert à Sippar un document
exceptionnel : une consultation juridique donnée aux juges de la ville et
à leur demande par le roi Samsu-iluna, fils et successeur de Hammurabi
de Babylone24. Les deux points sur lesquels il est interrogé concernent
deux affaires liées au patrimoine des religieuses de cette ville : le premier
cas concerne leur entrée au cloître sans dot, ce qui oblige les autorités
locales à puiser dans les stocks du palais pour pourvoir à leur entretien ; le
second cas vise un créancier qui veut saisir un bien d'une religieuse cloîtrée
21. « Si un homme a acheté ou pris en dépôt des mains du fils d'un homme ou de l'esclave d'un homme soit de l'argent, soit de l'or, soit un esclave, soit une esclave, soit un
bœuf, soit un mouton, soit un âne, soit n'importe quelle chose, sans témoin ni contrat, cet
homme est un voleur ; il sera tué ». Sur ce paragraphe et ses nombreuses interprétations,
cf. R. Wesbtrook et C. Wilcke, « The Liability of an Innocent Purchaser of Stolen Goods
in Early Mesopotamian Law », Archiv für Orientforschung, 25, 1974-1977, p. 111-121.
22. P. Koschaker, Rechtsvergleichende Studien..., op. cit., p. 73-74.
23. G. Boyer, « Les articles 7 et 12 du Code de Hammurabi », Publications de l'Institut de Droit Romain de l'Université de Paris, t. VI, Paris, 1950, p. 155-171, réédité dans
Mélanges d'histoire du droit oriental, Toulouse, 1965 (Recueil de l'Académie de Législation
de Toulouse, III), 1965, p. 15-28, spécial. p. 22.
24. C. Janssen, « Samsu-iluna and the hungry naditums », Northern Akkad Project
Reports 5, 1991, p. 3-39 ; S. [Démare-]Lafont, « Les actes législatifs des rois mésopotamiens », op. cit., p. 22-27.
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