Contextes - Penser l'ancien droit privé - 126

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DROITS PRIVÉS NON OCCIDENTAUX

Or, Jean Poirier, à la fin des années 1950, est appelé, à la faveur des décolonisations, à participer, au titre de l'Assistance technique, aux enquêtes
préparatoires à la codification des statuts personnels en Mauritanie (aux
côtés de Victor Berger-Vachon, islamologue de la faculté de droit de
Paris) et du droit civil du Dahomey (aux côtés du garde des Sceaux Joseph
Kéké)73. Également membre, à cette époque, de la Commission du Code
civil du Sénégal, il est convaincu que le droit coutumier africain, intégré
dans le système juridique français par la Constitution de 1946, doit faire
l'objet d'une « évolution dirigée » impliquant préalablement un recensement général des coutumes74. Ce contexte de refonte du droit des jeunes
États africains, nouvellement indépendants, est l'occasion pour lui de développer des recherches d'ethnologie juridique « de terrain » et d'élaborer une
réflexion méthodologique nourrie sur le problème de la rédaction des droits
coutumiers d'Afrique noire. L'exemple à éviter ? Les célèbres coutumiers
juridiques de l'AOF rédigés dans les années 1930, accusés de constituer
des « copies miniatures du Code Napoléon », au prix de « graves adultérations de la pensée juridique négro-africaine »75. À l'issue de l'entreprise de
rédaction des coutumes africaines, les chercheurs, se réjouit Poirier, disposeront d'une « somme documentaire neuve [...] qui reflète des concepts
nouveaux »76. L'ethnologue n'ignore aucunement les critiques déjà adressées à cette entreprise de rédaction des coutumes, qu'il s'emploie à réfuter
fermement. L'entreprise lui semble réalisable à condition que les enquêtes
d'ethnologie juridique soient confiées à des personnes disposant d'une
double formation de juriste et d'ethnologue, de manière à ce que les enquêteurs ne soient pas, à leur insu, « pré-orientés par leur formation juridique
occidentale »77. Cette première condition détermine la seconde, imposant
que l'enquête soit « faite en conformité avec les méthodes ethnologiques
habituelles, dans une totale libération des préconceptions inhérentes à toute
culture ; plus précisément, le rédacteur se dégagera des concepts juridiques

moyen de déterminer la portée réelle des coutumes juridiques et, partant, de véritablement
mettre en situation la règle de droit.
73. Ces pays avaient fait le choix d'une codification raisonnée et « progressiste » de leurs
coutumes, unifiées dans le cadre géographique des nouveaux États.
74. J. Poirier, « L'avenir du droit coutumier négro-africain », The future of customary law
in Africa, Leiden, Universitaire Pers Leiden, 1956, p. 160.
75. J. Poirier, « Le problème de la rédaction des droits coutumiers d'Afrique noire. Intérêts.
Difficultés. Méthodes », Études de droit contemporain. Ve Congrès international de droit
comparé..., op. cit., p. 111.
76. Ibid., p. 112.
77. « Le juriste qui ne serait que juriste se condamne à déformer la réalité qu'il enferme dans
des formules ou des concepts non pertinents » (« Introduction à l'ethnologie de l'appareil
juridique », Ethnologie générale, dir J. Poirier, Paris, Gallimard, Encyclopédie de La Pléiade,
1968, p. 1099).

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