Contextes - Penser l'ancien droit privé - 145

PENSER L'ANCIEN DROIT DES CONTRATS

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altimédiévaux puis les coutumiers. Elles se font ensuite plus nombreuses, au
fur et à mesure de la pénétration du droit romain. Et si l'on se souvient que
le droit romain n'est reçu qu'en tant que de raison, c'est par leur réception
par la doctrine que la plupart des règles juridiques relatives aux contrats
font notre ancien droit des contrats en s'ajoutant aux quelques règles législatives ou coutumières. Le pouvoir royal intervient finalement peu dans
l'édiction des règles de ce droit (en dehors de l'article 46 de l'ordonnance
de 1510, de l'article 134 de l'ordonnance de Villers-Cotterêts qui interdit
au contractant qui a atteint l'âge de trente-cinq ans révolus la « cassation »
- appelée aussi « relievement » ou « restitution » - des contrats fondée sur
le privilège de minorité, et de la fameuse ordonnance de Moulins relative
à la preuve des actes juridiques). Les énoncés juridiques émanent donc
essentiellement de la doctrine, ce qui atténue fortement pour l'époque la
distinction entre droit et science du droit. L'historien du droit est donc ici
confronté à des discours qui se prennent pour le droit lui-même (mais dont
l'efficace a bien dû être forte), comme si les règles de droit s'énonçaient
comme règles de droit par leur inscription dans un corpus doctrinal. Non
seulement ces énoncés alimentent une chaîne d'interprétations, mais ils
sont eux-mêmes surdéterminés12, par le fait même que, même s'ils ont pu
être regardés en leur temps comme l'expression de règles de droit, ils sont
des pratiques sociales. Or de la même manière que Nicole Loraux rappelait
que Thucydide n'est pas un collègue, il faut garder à l'esprit que les juristes
anciens ne sont pas nos collègues. L'historien du droit ne doit-il pas se
garder de jouer le même jeu de langage que celui des juristes qu'il étudie, s'il
souhaite mettre au jour l'ensemble des postulats et valeurs dont ce dernier
était l'expression ? Leurs productions sont pour nous des textes dont il
faut interroger les modalités d'énonciation, les procédés de fabrication, en
posant au cœur de cette étude la question de la transmission et de la tradition13, parce qu'ils sont autant d'expériences de pensée qu'il faut élucider
et restituer. Il convient donc de les considérer pour ce qu'ils sont et font
autant que pour ce qu'ils disaient dans leur contexte : outre l'élucidation du
sens qu'ils ont pu revêtir dans leur contexte, la démarche de l'historien doit
chercher à mettre au jour la fonction de ces énoncés, i.-e. ce que les juristes
12. Dans le sens que J.-L. Halpérin donne à cette expression dans « Droit et contexte
du point de vue de l'histoire du droit », Revue interdisciplinaire d'études juridiques, 70/1,
2013, p. 118. Ce constat vaut pour toutes les époques. Pour la romanistique médiévale,
cf. E. Conte, « Droit médiéval. Un débat historiographique italien », Annales. Histoire,
Sciences Sociales, 2002/6, p. 1610, qui rappelle que la science juridique médiévale a « participé aux tensions de son temps, justifiant avec ses armes les positions opposées de ceux qui
soutenaient des intérêts divergents ».
13. Sur l'idée que les discours juridiques sont des pratiques intellectuelles redevables d'une
analyse historique et sociologique, cf. Fr. Audren, « Introduction : l'histoire intellectuelle du
droit ou la fin du "Grand partage" », Clio&Themis, 9, 2015, non paginé (en ligne : http://
www.cliothemis.com/IMG/pdf/Audren-2.pdf [consulté le 8 sept. 2017]).

http://http:// http://www.cliothemis.com/IMG/pdf/Audren-2.pdf

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