Contextes - Penser l'ancien droit privé - 149

PENSER L'ANCIEN DROIT DES CONTRATS

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Comme le comparatisme suppose l'existence et le respect de traditions
juridiques distinctes, s'exprimant dans des langages différents (à cet égard,
les projets de jus commune européen traduisent davantage la victoire d'un
certain dogmatisme que celle du droit comparé), l'histoire du droit suppose
la reconnaissance et la restitution de la singularité de l'objet passé étudié
dans le contexte où il est advenu20. Un droit ne se comprend pleinement
que dans son contexte ; contexte qu'il contribue lui-même d'ailleurs à délimiter. La pure saisie historique, celle qui ne fait que reprendre les catégories
passées - celles des acteurs eux-mêmes - fait toutefois courir le risque
de verser dans un nominalisme radical rétif à toute comparaison. Faut-il
pour autant que, à l'instar du sujet auteur de son récit autobiographique
qui affirme son identité narrative en découpant dans son passé les seuls
éléments qui lui paraissent significatifs, l'histoire sélectionne les éléments
du passé qui répondent à un projet, une « intention globale », dans le but
d'établir « entre eux des connexions propres à leur donner cohérence »21 ?
Chez les historiens du droit, deux méthodes sont actuellement privilégiées dans la perspective de nouer un dialogue fructueux entre le passé et le
présent : le recours à une forme contrôlée ou maîtrisée d'anachronisme et
l'usage de méta-concepts. Deux méthodes qui ne sont légitimes que pour
autant qu'elles sont opératoires22, i.-e. et à la fois qu'elles permettent une
compréhension plausible du passé et n'empêchent pas une mise en discussion du présent. De quel anachronisme peut-on se satisfaire ? Pas celui
des faits, évidemment, et l'on sait quelle part a pu prendre l'Humanisme,
notamment la critique de la donation de Constantin par Lorenzo Valla,
dans ce mouvement de critique des sources et de rejet de tout anachronisme23. Celui des concepts ? Mais - et la même remarque vaut pour les
grandes narrations24 - le recours aux concepts contemporains et leur
20. Th. A. J. Mc Ginn évoque ainsi « the need of "historicizing" Roman aw rather than
treating it solely as an intellectually autonomous achievement » (« A Conference on Roman
Law », Obligations in Roman Law, Th. A.J. Mc Ginn (dir.), Ann Arbor, 2012, p. 1). Pour
une application à l'histoire constitutionnelle française, cf. G. Glénard, « Pour une analyse
contextualiste du droit constitutionnel (l'exemple de la constitution de 1791) », Droits,
Revue française de théorie juridique, 32, 2000, p. 69-87.
21. P. Bourdieu, « L'illusion biographique », Actes de la recherche en sciences sociales,
62/63, 1986, p. 69. Cette question du récit autobiographique a conduit Bourdieu a adressé de
sérieuses critiques à P. Ricœur et à s'interroger sur la place du récit autobiographique dans
la pratique sociologique, cf. G. Truc, « Une désillusion narrative ? De Bourdieu à Ricœur
en sociologie », Tracés. Revue des sciences humaines, 8, 2005, p. 47-67.
22. Ce critère est repris de M. Troper, « Sur l'usage des concepts juridiques en histoire »,
Annales ESC, 47/6, 1992, p. 1182.
23. Fr. Dosse, « Les voies traversières de Nicole Loraux », EspacesTemps, 87/88, 2005,
p. 156-171.
24. Par exemple, organiser le récit de l'histoire du droit des contrats autour du thème de
la crise du contrat ou celui de la responsabilité sous l'angle par exemple du déclin de la faute

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