Contextes - Penser l'ancien droit privé - 158

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

notre conception moderne de la distinction formation/exécution range
parmi les règles de formation : ils sont relégués à la fin du livre i, après
l'exposé des règles propres à chacun des contrats les plus usuels (tandis
que l'interprétation du contrat est évoquée avant les conditions éventuellement apportées au contrat). Même à l'intérieur du titre i du livre i
figurent des règles (relatives par exemple à la preuve) dont un juriste
français du xxie siècle se demanderait pourquoi elles sont placées à côté
de règles relatives à la formation des contrats, de la même manière qu'il
pourrait s'interroger sur le choix du vocabulaire employé par Domat (qui
parle ainsi de l'accomplissement, et non de la formation, du contrat par
l'échange des consentements : « ainsi la vente est accomplie par le seul
consentement... »48). Enfin, la nullité n'est pas la sanction exclusive du
défaut d'un élément de formation. Elle peut également résulter du nonaccomplissement d'une condition suspensive ou de bien « d'autres causes »
(i, i, v, iii). Il faut en outre remarquer, d'une part, que le dol ou « quelque
mauvaise voye » par lesquels le consentement de l'une des parties peut être
« surpris » entraînent la résolution de la convention, laquelle technique est
traitée dans la section vi du titre i où il est indiqué, de manière liminaire,
qu'elle se distingue de la nullité et, d'autre part, que, parmi les causes de
résolution, le dol voisine avec l'inexécution, ce que la conception moderne
de la distinction formation/exécution ne permet pas de comprendre.
De tout cela on ne peut inférer qu'une évidence : l'accomplissement
d'une prestation ne peut être assimilé à une solutio, donc produire un effet
libératoire, que s'il correspond à ce qui a été l'objet de l'engagement des
parties, i.-e. qu'il faut former un contrat avant que de l'exécuter... Ce qui
a toutes les apparences d'un truisme mérite cependant quelques précisions,
dans la mesure où la distinction moderne de la formation et de l'exécution
du contrat ne consiste pas seulement à isoler deux moments dans la vie
du contrat, mais à donner aux règles relatives aux contrats soit le statut
de règles de formation soit le statut de règles d'exécution, avec l'idée de
conférer aux premières une supériorité sur les secondes.
Premièrement, dans une conception issue du droit romain, le dol et la
violence peuvent ne pas être a priori ni exclusivement appréhendés comme
des notions relatives à la formation des contrats. Ils peuvent être (et ils ont
été) considérés comme des délits susceptibles d'être commis en matière
contractuelle aussi bien au moment de l'élaboration de l'obligation qu'au
moment de sa réalisation, si bien que les règles qui permettent leur sanction
peuvent ne pas être considérées comme des règles de formation du contrat.
Autrement dit, fait ici défaut la fonction de catégorisation qu'est censée
remplir notre distinction, i.-e. le partage des règles du droit des contrats
48. Les loix civiles, i, i, i, viii.
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