Contextes - Penser l'ancien droit privé - 186

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CONTRATS ET PROPRIÉTÉ

la démarche systématique de la pandectistique est nécessaire, mais elle
insuffisante si elle n'est pas accompagnée par une approche dogmatique
minimaliste aux sources.

II - UNE APPROCHE DOGMATIQUE MINIMALISTE
D'un point de vue dogmatique, il n'existe pas dans les sources romaines
une distinction nette entre inutilis et nullus. Cela peut apparaître très
étrange d'autant plus que le terme nullus renvoie toujours à la sphère de
l'inexistence dans le vocabulaire latin alors que cela n'est pas nécessairement
le cas avec inutilis. Le terme inutilis implique l'idée de l'inefficacité, à savoir
de l'impossibilité d'obtenir les résultats souhaités par les parties, alors que
nullus exprime une idée d'inexistence de la figure juridique88.
Cette contradiction apparente peut être résolue par une observation
de Talamanca. Ce savant soulignait à juste titre qu'un acte juridique qui
ne parvenait pas à réaliser les effets auxquels il était destiné, pouvait être
considéré comme étant inexistant. Il n'intègre pas, en effet, la typologie
d'acte juridique qui avait été souhaitée par les parties. Ce qui ne veut pas
dire qu'en pratique tel acte sera complètement dépourvu d'effets. Ainsi les
sources romaines attestent que des actes, qui n'ont pas d'existence juridique
à proprement parler89, peuvent avoir des effets90.
Talamanca proposait alors de distinguer entre contrats existants et
inexistants. Dans la catégorie de l'inexistence, il rangeait tous les actes
dont les effets ne correspondent pas à l'intention des parties, que cela soit
dû à ce que, dans le sillage de la pandectistique, l'on appelle invalidité
ou inefficacité. Certains de ces actes sont alors juridiquement inexistants,
même si en pratique ils peuvent avoir quelques effets.
88. G. Rossetti, « "Nullità" e "annullabilità"... », loc. cit., p. 10.
89. M. Kaser, Das römische Privatrecht..., op. cit., t. I, p. 247 observait que l'acte invalide
n'avait pas les effets qui correspondaient à sa nature, mais il pouvait avoir des effets indépendants de la finalité auquel il était destiné. À support de cette observation, parmi d'autres
cas, il cite le passage de Gaius 3.176.
90. C'est ainsi le cas pour l'in iure cessio de l'usufruit à un tiers. Bien que cette cession ne
soit pas valide, elle a l'effet d'éteindre l'usufruit qui se réunit alors avec la nue-propriété.
Voir par exemple le passage de Pomponius 8 Ad Quintum Mucium D. 23.3.66. Cf. M. Kaser,
Das römische Privatrecht..., op. cit., t. I, p. 452 et n. 51. Une autre hypothèse intéressante,
relatée par M. Kaser, Das römische Privatrecht..., op. cit., t. I, p. 247 ; p. 294 et n. 13, est
celle de l'affranchissement de l'esclave qui est objet d'un usufruit. Dans cette hypothèse,
l'esclave ne devient pas libre, mais il est considéré un servus sine domino. Cf. Tituli ex corpore
Ulpiani 1.19. Pour d'autres hypothèses, voir : S. Tondo, « Invalidità... », loc. cit., p. 998 sq. ;
S. Di Paola, Contributi..., op. cit., passim ; M. Kaser, Das römische Privatrecht..., op. cit.,
t. I, p. 247 ; p. 250, n. 42.

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