Contextes - Penser l'ancien droit privé - 203

LE MÉTACONCEPT DE PROPRIÉTÉ

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chose grevée d'usufruit, mais le droit subjectif qu'est l'usufruit20. Bien que
cette solution soit peu discutée par la doctrine française contemporaine,
il est toutefois surprenant qu'un pouvoir, qui porte généralement sur une
chose ou une personne, puisse avoir pour objet un autre pouvoir.
La question est en outre de savoir si la faculté de disposer de l'usufruitier
est ou non un élément constitutif de l'usufruit. D'une part, la faculté de
disposer peut être présentée comme un élément constitutif de l'usufruit.
Cette position est toutefois difficile à soutenir puisqu'elle fait du droit
subjectif de l'usufruitier, le moyen et l'objet du transfert. De même que le
droit subjectif de propriété ne peut pas être transféré par le propriétaire.
Affirmer le contraire revient à soutenir que le pouvoir de réaliser le transfert, qui est un des éléments du droit subjectif du propriétaire, est également
l'objet du transfert. D'autre part, la faculté de disposer reconnue à l'usufruitier peut être conçue comme une prérogative extérieure au droit subjectif
qu'est l'usufruit. La faculté de disposer serait ainsi le moyen du transfert,
quand l'usufruit en serait l'objet. Cette solution est aujourd'hui défendue
par la doctrine majoritaire s'agissant de la propriété21. Elle reprend l'analyse
de Planiol faisant du droit de propriété, l'objet d'un pouvoir de disposer
qui lui est étranger22. Dans le métaconcept de propriété, les différentes
prérogatives du propriétaire forment au contraire un même ensemble. La
faculté de disposer est donc un élément constitutif de la propriété. En exerçant cette faculté, le propriétaire peut ainsi transférer juridiquement à un
tiers la chose qui est l'objet de son pouvoir ou le titre qui est la cause de son
pouvoir. Ce pouvoir désormais sans objet ou sans cause disparait tandis
qu'un pouvoir identique naît entre les mains du bénéficiaire du transfert,
parce que tel est prévu par la loi. L'acquisition dérivée de la propriété est
alors une conséquence du transfert de la chose ou du titre23. Partant, l'objet
de la faculté de disposer du propriétaire ne peut pas être un droit subjectif.
L'usufruit, qui est conçu sur le modèle de la propriété, ne devrait pas non
plus être l'objet d'un pouvoir de disposer.

b. Le maintien de l'exclusivité par le démembrement de la chose
Face aux difficultés liées à  la conception d'un démembrement du
droit subjectif de propriété, il est possible de soutenir que l'expression
20. F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, op. cit., p. 735-736.
21. À titre d'exemples : J. Carbonnier, Flexible droit, 10e éd., Paris, LGDJ, 1988, p. 384 ;
F. Terré et P. Simler, Droit civil. Les biens, op. cit., p. 136-137.
22. M. Planiol, Traité élémentaire de droit civil, 3e éd., Paris, 1903, t. I, p. 748-749.
23. Cette analyse du transfert est également défendue par certains auteurs s'agissant du
droit français contemporain : C. Pourquier, « Propriété et perpétuité : essai sur la durée du
droit de propriété », Aix-en-Provence, PUAM, 2000 ; F. Zenati-Castaing et T. Revet, Les
biens, PUF, 2008, p. 279-280 ; W. Dross, Droit civil. Les choses, op. cit., p. 46.
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