Contextes - Penser l'ancien droit privé - 57

L'ANACHRONISME DES CONCEPTS : UN SYMPTÔME ?

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croissanciel en économie politique contemporaine), on peut faire l'hypothèse que le rejet de l'interdisciplinarité ne porte jamais sur une discipline
toute entière, mais plutôt sur les courants, internes à ces autres disciplines,
ne correspondant pas au paradigme auquel on adhère au sein de sa propre
discipline. À l'inverse, on observe que des alliances stratégiques se nouent
aisément et fréquemment entre segments de disciplines distinctes communiant dans un même paradigme. Même la Théorie pure du droit n'échappe
pas à ce constat24. Il en ressort que les querelles de territoire entre disciplines sont en définitive moins importantes que le choix du paradigme que
l'on adopte, quelle que soit sa discipline.
Pour la question de notre colloque, on peut en déduire que le traitement des écarts et des différences inhérents aux objets d'une écriture du
droit privé est en définitive moins fonction de la discipline, de la langue
ou de l'époque envisagée que du paradigme mis en œuvre. Une science
(du droit, ou de l'histoire, peu importe) herméneutique, critique, ouverte,
pragmatique (au présent comme au passé) présente à cet égard plus de
chances de respecter ses objets et de faire surgir des différences heuristiques,
qu'une approche dogmatique, analytique et normative. En définitive, il
s'agit notamment de savoir si nous considérons la science du droit comme
description d'un système de normes, idéalement complet et cohérent25, et
la science historique comme description de faits exhaustive et véridique,
ou si nous nous décidons à introduire de la complexité et de l'incertitude
dans ce tableau en trompe l'œil.
En faveur de cette dernière option, je terminerai en citant une recommandation du très intéressant Rapport de la Commission de réflexion sur les
études de droit, présidée, en 2002, par Antoine Lyon-Caen ; il y est notamment recommandé d'introduire un certain nombre d'enseignements non
juridiques, qualifiés « d'indispensables », dès la phase initiale de la formation, et, ce faisant d'éviter le piège de la simple juxtaposition : « il ne s'agit
pas de juxtaposer disciplines juridiques et non-juridiques générales, dès
lors que les savoirs sollicités ne conçoivent pas de la même manière » les
objets pertinents pour les juristes26.
En somme, le programme que propose le professeur Uberto Scarpelli :
« faire connaître les matières régulées par le droit, mais, avant tout,
24. L. Zevounou, « Introduction », Usages de l'interdisciplinarité en droit, op. cit., p. 15 :
« Le positivisme juridique, né de l'alliance entre le droit, la logique, la philosophie et les
sciences du langage, [...] dans un contexte de domination du logicisme dans le champ des
sciences sociales ».
25. M. Vogliotti, « Pour une formation juridique interdisciplinaire », Pratique(s) et enseignement du droit, dir. J.-J. Sueur et S. Farhi, Paris, LGDJ-Lextenso, 2016, p. 298 et p. 300.
26. A. Lyon-Caen, Rapport de la Commission de réflexion sur les études de droit, s. l.,
avril 2012, p. 13 et p. 40.
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