Bibliothèque de droit public - Tome 300 - Nationaux et étrangers en droit public français - 167

UNE DÉTERMINATION HÉSITANTE DES CRITÈRES DE LA NATIONALITÉ

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choisir » et « c'est singulièrement mépriser les populations étrangères récemment
arrivées en france que de supposer a priori qu'elles ne sont pas capables, intellectuellement et moralement, de pouvoir choisir leur nationalité »208. Ensuite, il est
souligné que la libre démarche proposée aux intéressés est une démarche « d'adhésion de l'intéressé aux valeurs de la société française, une démarche de reconnaissance par l'intéressé de son appartenance à la communauté française »209, le
but étant d'instituer « une déclaration par laquelle l'étranger [né en france] manifesterait clairement la volonté d'acquérir la nationalité française »210.
Il est d'ores et déjà intéressant de relever la différence entre ces deux justifications de la mise en place d'une manifestation de volonté nécessaire à l'acquisition de la nationalité. La première semble porter l'attention sur la protection
d'une certaine autonomie de la volonté de l'individu. Elle part ainsi de l'idée que
l'État ne doit pas en la matière exercer un pouvoir unilatéral mais bien fonder son
action sur une demande de l'individu concerné. La démarche semble donc
répondre à une volonté de ne pas imposer à autrui le rattachement à une communauté étatique. La seconde, complémentaire de la première, semble révéler la
dimension plus sociologique de la manifestation de la volonté. D'une démarche
protectrice de l'autonomie de la volonté l'on semble glisser vers une protection de
l'identité commune elle-même à travers l'exclusion de ceux qui ne souhaitent pas
activement y adhérer. De la question du choix général d'une appartenance juridique l'on arrive donc à un choix d'appartenance plus sociologique.
226. Basée sur la théorie volontariste de la nation telle qu'elle a été défendue
par Renan211, la remise en cause de l'acquisition automatique de la nationalité française par le jeune étranger né et résidant france visait à tirer les conséquences du
doute qui existe alors sur l'intégration de cette « seconde génération ». La démarche
personnelle demandée au jeune étranger est censée traduire la réalité de l'attachement de l'individu à la france, la réalité de son intégration, là où les seuls critères
objectifs tels que le lieu de naissance et la résidence ne semblent plus suffire. Par
cette proposition, reprise par le législateur de 1993, il est mis fin à la présomption de
francité des enfants nés en france de parents étrangers et résidant en france. Outre
le fait qu'elle crée des disparités entre deux individus qui sont nés et qui résident sur
le même territoire, les enfants de parents français n'ayant pas à manifester cette
volonté de conserver la nationalité acquise par le lien du sang, la procédure de
manifestation de volonté ouvre une brèche dans la conception française de la nationalité fondée sur la socialisation et revient en partie à la conception plus spiritualiste
de la nation. Il s'agit de manifester son adhésion à « l'héritage intellectuel et moral »
qui fonde « la conscience identitaire française »212 et de reconstruire une conception
de la nationalité fondée sur le « plébiscite » conscient « de chaque jour ». Le droit
du sol est donc largement amputé : fondé sur l'idée d'une socialisation liée à la résidence sur le territoire, le droit du sol entraînait une présomption de nationalité de
fait que l'acquisition automatique ne faisait que consacrer juridiquement et que
l'exigence d'une manifestation de volonté remet partiellement en cause.
208. d. schnapper, « La Nation comme communauté de culture », Revue française
d'administration publique, n° 47, juill.-sept. 1988, p. 436.
209. Être français aujourd'hui et demain, rap. préc., p. 89.
210. Lettre de mission adressée par le garde des Sceaux au président de la Commission le 19 juin
1987, in Être français aujourd'hui et demain, rap. préc., t. 2, p. 245.
211. e. renan, Qu'est-ce qu'une nation ?, op. cit.
212. d. schnapper, op. cit., p. 437 et 438.

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