Bibliothèque de droit public - Tome 300 - Nationaux et étrangers en droit public français - 197

UNE DÉTERMINATION HÉSITANTE DES CRITÈRES DE LA NATIONALITÉ

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262. Mais la déconcentration des procédures de naturalisation n'est pas le
seul facteur d'incohérence et de remise en cause de la notion de « nationalité » et
du sens de la naturalisation. En effet, le rapprochement rapide du droit des étrangers et du droit de la nationalité tend à poser la question du lien entre ces deux
entités et de la pertinence de leur différenciation statutaire.
B. UN RAPPROCHEMENT DES STATUTS DE NATIONAL
ET D'ÉTRANGER
263. Le rapprochement des statuts de national et d'étranger, dû à l'affirmation progressive de la conception subjective de la nationalité, se manifeste tant
dans le discours politique qui fait des nationaux par acquisition de la nationalité
des quasi étrangers (1) que dans le rapprochement rapide du droit de la nationalité et du droit des étrangers (2).
1. Un discours politique faisant du Français par acquisition un étranger
permanent
264. Dans son ouvrage consacré aux rites de passage121, Arnold Van Gennep
identifie un ensemble de « cérémonies dont l'objet est identique : faire passer l'individu d'une situation déterminée à une autre situation tout aussi déterminée »,
parmi lesquelles sont significativement inclus les « rites d'agrégation de l'étranger »
dans la société qui l'accueille. Mais il ajoute aussitôt que ces « rites d'agrégation »
sont précédés de « rites de séparation » qui marquent l'éloignement de son groupe
d'origine. Un tel passage a été matérialisé en france par les cérémonies collectives,
appelées « cérémonies d'accueil dans la citoyenneté française » mises en place pour
accompagner les remises des décrets de naturalisation : par une circulaire interministérielle de 1993, les préfets ont été encouragés à organiser cette célébration. Son
organisation est rendue obligatoire par l'article 21-28 du Code civil issu de la loi du
24 juillet 2006122 et modifié par loi du 16 juin 2011123. La mise en scène de l'événement révèle un souci de tirer parti de ce moment de transition consacrant le changement de statut juridique de la personne pour en faire un « rituel de l'accueil républicain », selon la formule de M. Jean-Philippe Moinet dans son rapport remis en
2006 à la Ministre déléguée à la Cohésion sociale et à la Parité124.
Dans le discours qu'il prononce lors de la cérémonie de naturalisation, le
préfet des Hauts-de-Seine125 déclare par exemple « qu'en sollicitant la nationalité
121. a. van gennep, Les rites de passage, étude systématique des rites de la porte et du seuil, de
l'hospitalité, de l'adoption, de la grossesse et de l'accouchement, de la naissance, de l'enfance, de la
puberté, de l'initiation, de l'ordination, du couronnement, des fiançailles et du mariage, des funérailles, des
saisons, etc., Paris, Librairie Critique Émile Nourry [réimp.  Mouton et Maison des Sciences de
l'homme], 1969, p. 4, p. 24 et p. 49.
122. Loi  n°  2006-911 du 24  juillet  2006 relative à l'immigration et à l'intégration, précitée,
art. 85 et 86.
123. Loi n° 2011-672 du 16 juin 2011 relative à l'immigration, à l'intégration et à la nationalité,
précitée, art. 5.
124. j.-p. moinet, Célébrer la bienvenue dans la République française. Rapport sur les cérémonies
célébrant l'acquisition de la nationalité française, remis à la Ministre déléguée à la Cohésion sociale et
à la Parité, 2006, p. 7.
125. L'État dans les Hauts de Seine, 2006, Intervention de Michel Bart, préfet des Hauts de
Seine, devant les nouveaux français, le 10 décembre 2006, cité par d. fassin, s. mazouz, « Qu'est ce
que devenir français  ? La naturalisation comme rite d'institution républicain », Revue française de
sociologie, n° 48-4, 2007, p. 725.
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