Bibliothèque de droit public - Tome 300 - Nationaux et étrangers en droit public français - 282

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NATIONAUX ET ÉTRANGERS EN DROIT PUBLIC FRANÇAIS

La question qui se posait alors était celle de l'étendue du nouveau principe
dégagé par le Conseil, notamment au regard du contentieux des étrangers qui est
une des premières cibles de la dualité juridictionnelle. Deux questions étaient
alors posées  : le contentieux de l'éloignement, qui fait l'objet d'une répartition
entre juge judiciaire et juge administratif, entre-t-il dans le bloc de compétence
constitutionnel du juge administratif tel que défini par la jurisprudence de 1987 ?
Si tel est le cas, est-il possible d'y déroger au motif que certaines des questions
qu'il pose relèvent des « matières réservées par nature à la juridiction judiciaire »,
notamment la protection de la liberté individuelle inscrite à l'article  66 de la
Constitution, ou dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice ?
359. Les réponses à ces questions furent en partie apportées par la décision du
28  juillet  198976. La loi soumise au Conseil donnait compétence au tribunal de
grande instance pour annuler en référé les arrêtés par lesquels le préfet ordonne la
reconduite à la frontière d'un étranger en situation irrégulière, créant ainsi un bloc
de compétences au profit du juge judiciaire en matière d'éloignement. Le Conseil
constitutionnel a censuré ces dispositions à l'issue d'un raisonnement en trois temps.
Tout d'abord, il a confirmé les principes dégagés dans sa décision de 1987
consacrant une compétence de fondement constitutionnel à la juridiction administrative, tout en rappelant la faculté pour le législateur d'unifier les règles de compétence juridictionnelle « dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice »77.
À l'issue de ce rappel, le Conseil commence par démontrer que les décisions
relatives à l'entrée ou au séjour des étrangers en france, qui sont alors prises sur le
fondement de l'Ordonnance du 2 novembre 1945 par l'autorité exerçant le pouvoir
exécutif ou un de ses agents, constituent des décisions prises dans l'exercice de prérogatives de puissance publique. Par conséquent, les recours tendant à l'annulation
de ces actes relèvent par principe de la compétence du juge administratif. L'énumération opérée par le Conseil des mesures susceptibles d'être prises par l'autorité
administrative, parmi lesquelles se trouvent les refus d'entrée sur le territoire national, les décisions d'octroi ou de refus de titres de séjour, les arrêtés de reconduite à
la frontière ou d'expulsion ainsi que les arrêtés d'assignation à résidence, suggère
ainsi qu'il existe un bloc de compétence d'ordre administratif en matière de police
des étrangers. La liste établie par le juge dans sa décision n'est cependant pas
exhaustive, le considérant ne mentionnant que « notamment » ces actes. Le Conseil
semble donc avoir voulu réserver une marge de manœuvre dans l'application de sa
jurisprudence afin de pouvoir éventuellement contrôler toute autre intention d'unification législative du contentieux en la matière. Les décisions de placement en
rétention administrative notamment ne sont pas mentionnées.
Après avoir rappelé la nature des actes en cause et la compétence juridictionnelle de principe pour en connaître, le juge recherche une des dérogations posées
dans sa décision de principe de 1987 qui trouve à s'appliquer dans le cas particulier des arrêtés de reconduite à la frontière.
Le premier argument analysé est celui de l'application de l'article 66 de la
Constitution en vertu duquel l'autorité judiciaire est « gardienne de la liberté
76. Cons. const., n° 89-261 DC, 28 juill. 1989, Loi relative aux conditions de séjour et d'entrée des
étrangers en France, JO du 1er août 1989, p. 9679 ; RFDA, 1989, p. 621, note b. genevois ; AJDA, 1989,
p. 619, note j. chevallier ; D. 1990, p. 161, note x. pretot. 
77. Cons. const., n° 86-224 DC, précitée, cons. 16.
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