Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 63 - La transparence dans le droit budgétaire de l'État en France - 104

LA TRANSPARENCE DANS LE DROIT BUDGÉTAIRE DE L'ÉTAT EN FRANCE

renforcement matériel du contrôle juridictionnel. Ils procédaient également à une
innovation institutionnelle, en créant une Cour des comptes. Pour le cas de la
Cour des comptes française, il est certes vrai que sa création s'inscrivait dans la
tradition de contrôle juridictionnel des comptes de l'Ancien Régime qui avait ses
chambres des comptes. Mais, « cette haute tradition, simplifiée et modernisée par
l'Empire, nous a légué un système original : l'exercice du contrôle financier par une
magistrature indépendante »85. À l'évidence, aucune illusion n'était permise à
l'époque du Premier Empire quant aux raisons de la création de cet organe juridictionnel, ni même quant à ses compétences86. La Cour des comptes n'était
conçue que comme l'auxiliaire de l'empereur, chargé de lui apporter les informations sur la gestion des finances87. Le détournement du contrôle était manifeste.
Tout devait être rapporté au Chef de l'État. Hyppolite Taine le critiquait : « Napoléon exige toujours qu'on lui fournisse des chiffres, mais il les garde pour lui ; divulgués, ils seraient incommodes, et désormais ils deviennent un secret d'État »88. En
définitive, « un seul homme (...) gouverne les finances du pays sans contrôle : telle
est la situation que le Consulat va léguer à l'Empire, et que l'Empire ne fera qu'aggraver »89. D'ailleurs le rapport établi chaque année par la Cour était exclusivement adressé au Chef de l'État et ne faisait l'objet d'aucune publicité au départ. Le
Parlement, que l'on peut voir comme le destinataire naturel d'un rapport sur la
gestion gouvernementale de l'argent public, n'en recevra communication qu'à
partir de 1832, sous la Monarchie de Juillet donc.
204. Au Portugal90, c'est Salazar lui-même, alors qu'il n'était encore que ministre
des finances, qui, par un décret du 25 octobre 1930, a transformé le Conseil supérieur
des Finances en un Tribunal des comptes afin de renforcer le contrôle des finances
publiques. Le rôle de l'institution pendant les années de dictature restait cependant
fortement handicapé par son statut. Elle ne deviendra une vraie juridiction, avec
toutes les garanties d'indépendance que cela implique, qu'à partir de 1976. On regrettait également l'insuffisance du cadre réglementaire relatif à sa compétence.
205. Le régime de Vichy avait fait le choix de cantonner la juridiction à un
rôle marginal, ponctué d'une suppression de son rapport annuel. La Cour, qui
continuait officiellement de procéder à des contrôles ne pouvait pas s'empêcher,
à la Libération, de faire remarquer que tout revenait finalement au maréchal
Pétain. Les magistrats financiers, dans leur rapport public de 1947 portant sur
les exercices 1940 à 1945, notaient que « l'autorité qui les [les budgets] avait
85. Pierre LEGENDRE, Trésor historique de l'État en France, L'Administration classique,
Fayard, 1992, p. 442.
86. La nouvelle juridiction n'a pas vocation à contrôler le sommet du pouvoir exécutif, l'empereur
comme ses ministres n'entrent pas dans son champ d'investigation. Seuls les comptables publics,
d'ailleurs limitativement énumérés, au début, sont justiciables devant elle. Le Marquis D'AUDIFFRET
constate ainsi que la Cour, « séparée de ses justiciables naturels par des comptables d'ordre, dépourvue
des pièces justificatifs des ordonnateurs, retardée dans ses travaux par d'interminables lenteurs
administratives, n'a jamais pu fixer la position des véritables manutenteurs des deniers publics, ni apprécier
la régularité des faits de recette et de dépense, ni apurer un seul exercice », Marquis D'AUDIFFRET,
Système financier de la France, t. 5, Librairie administrative Paul Dupont, 3e éd., 1864, p. 24.
87. C'est Napoléon Ier lui-même qui disait que « L'empereur relégué au fond de son palais ne peut
savoir que ce qu'on veut lui dire. La Cour des comptes me renseignera. ». Cité par Philippe Séguin dans
les archives nationales. http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrationsnationales/2007/vie-politique/la-cour-des-comptes.
88.Cité par Pierre ROSANVALLON, L'État en France de 1789 à nos jours, Seuil, février 1990, p. 47.
89. René STOURM, Les finances du Consulat, Paris, Guillaumin et Cie, 1902, p. 354.
90. Tribunal des comptes du Portugal, Annuaire 2009, Lisbonne 2010, p. 14.

http://www.archivesdefrance.culture.gouv.fr/action-culturelle/celebrations

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