Bibliothèque de finances publiques et fiscalité - Tome 63 - La transparence dans le droit budgétaire de l'État en France - 63

LES OBSTACLES ASSUMÉS : L'OPACITÉ LÉGITIMÉE

Ce périmètre originel volontairement élargi rencontre encore un autre moyen
de discrétion quant à la destination des crédits. Il s'agit de leur autorisation
globalisée.
B. UNE SOUMISSION PARTIELLE AUX RÈGLES D'AUTORISATION
BUDGÉTAIRE
99. L'autorisation parlementaire des crédits budgétaires et les principes qui y
concourent sont des leviers essentiels de transparence. À l'instar des autres principes, la spécialité budgétaire répond à un double objectif de clarté des finances et
d'efficacité du contrôle parlementaire58. Y renoncer, c'est donc renoncer à une part
de transparence budgétaire. Les crédits destinés à des dépenses sensibles de l'État,
pour des raisons qui tiennent à la volonté d'en cacher la finalité et à celle d'en permettre la liberté de gestion, ne sont jamais soumis à la spécialité budgétaire.
100. Au Luxembourg, l'article 6 de la loi du 15 juin 2004 portant organisation du service de renseignement de l'État pose le cadre juridique de ses crédits.
C'est le Premier ministre qui « arrête » le budget. Si les fonds nécessaires au fonctionnement du service « sont prélevés sur les crédits inscrits au budget de l'État »,
leur détail, quant à lui, n'est pas soumis au Parlement en tant que tel. Le vote du
Parlement est donc global. Il est juste prescrit que le Premier ministre, avant le
début de l'exercice, informe la Commission de contrôle parlementaire du détail
des crédits. Ainsi, ce n'est pas à l'ensemble des parlementaires que l'information
est transmise ; mais à une commission spéciale.
101. En Allemagne, les crédits des trois services fédéraux de renseignement59 ne sont pas davantage spécialisés. Le Parlement, lors du vote du budget,
ne fixe que les sommes totales. C'est à une commission spéciale, composée de
cinq membres de la commission des finances, qu'il revient de scruter le détail des
budgets. La délégation du Bundestag chargée du contrôle général de l'activité des
services de renseignement peut être représentée lors de l'examen des crédits par
une commission ad hoc, instituée à cette fin60. Quant aux dépenses militaires, un
certain nombre de détails sont requis par la Loi fondamentale allemande. L'alinéa 1er de son article 87a dispose que « la Fédération établit des forces armées
pour la défense. Leurs effectifs et les traits essentiels de leur organisation doivent
apparaître dans le budget ». Par ailleurs, l'approbation du Parlement, par le
prisme de la commission du budget, est requise pour tous les projets d'armement
qui dépassent 25 millions d'euros. La même approbation est exigée aux PaysBas61. Au Royaume-Uni, jusqu'en 1994, et du fait des effets d'une décision prise
en 1879, par le comité des comptes publics, les crédits destinés aux services de
58. Le Conseil constitutionnel le rappelle dans sa décision n° 2001-448 DC du 25 juillet 2001
relative à la LOLF, dans le Considérant 16 notamment, Rec., p. 102.
59. Il s'agit de l'Office fédéral pour la protection de la Constitution, du Service de protection
militaire et du Service fédéral de renseignement.
60. « Lorsque l'ordre du jour concerne la discussion du budget des services de renseignement, les
membres de la délégation peuvent assister avec voix consultative aux réunions du groupe de travail, et
inversement. Le groupe de travail adresse pour avis le projet de budget à la délégation pour le contrôle des
services de renseignement et lui communique le montant définitif des crédits. En outre, le gouvernement
doit informer la délégation de l'exécution du budget des services de renseignement. », Sénat, Le contrôle
parlementaire des services de renseignement, mars 2002, p. 9.
61. Conseil de l'Europe, Forces armées et services secrets : quel contrôle démocratique ?, mars
2009, p. 195.

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