Bibliothèque de droit privé - Tome 579 - Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l'heure actuelle - 174

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LE POUVOIR NORMATIF DE LA COUR DE CASSATION À L'HEURE ACTUELLE

aussi apporter une précision63 ou des indications de fait64 manquantes. Il peut
encore être amené à faire un choix entre plusieurs qualifications possibles et éclairer le sens de l'arrêt65. Enfin, il peut confirmer un revirement de jurisprudence66.
Dernier élément de l'appareillage technique : le chaînage d'arrêts. Le conseiller rapporteur67 peut proposer d'ajouter in fine un  renvoi à un autre arrêt
avec lequel la décision a un lien étroit68. La formule choisie pour indiquer le renvoi
exprime la nature du lien qui unit la décision publiée à la décision référencée : « à
rapprocher », « dans le même sens », « en sens contraire », « comparer », « autre
application du même principe », « cf. » (confer - se reporter à) ou encore « évolution par rapport à ».
Ce chaînage « institutionnel »69, puisqu'il est réalisé par la Cour de cassation
elle-même, va « contextualiser »70 la décision et permettre de saisir la mesure de
l'innovation par rapport à la jurisprudence antérieure. La formule « dans le même
sens que » va exclure toute nouveauté d'une position à l'allure inédite71 ou
confirmer le maintien d'une jurisprudence constante72. Au contraire, les formules
63. Ainsi, l'arrêt affirmant que « l'article 1129 du Code civil n'est pas applicable à la détermination
du prix... » (Civ.  1re, 20  févr. 1996, Bull.  civ.  I, n°  91), est complété par un sommaire qui déclare
qu'« en cas de contrat de louage d'ouvrage, l'article  1129 du Code civil n'est pas applicable à la
détermination du prix ». Dans ce cas, « le sommaire apparaît alors comme l'expression officielle d'une
position qui n'était qu'imparfaitement exprimée dans l'arrêt » (X. HENRY, « La jurisprudence
accessible - Megacode civil : théorie d'une pratique », art. précit.).
64. Par exemple, un arrêt déclare que « compte tenu des termes de la clause critiquée... » sans
donner davantage d'explication dans les motifs ou le rappel des faits, tandis que le sommaire expose le
contenu de la clause (Civ. 1re, 10 juill. 1996, Bull. civ. I, n° 318).
65. C'est le cas lorsqu'une partie a plusieurs qualités - elle est à la fois coloti et simple voisin
(Civ. 3e, 5 juin 1996, n° 94-11.103), par exemple - et que, le sommaire, en choisissant l'une d'elles révèle
la qualification déterminante au regard du problème posé. C'est également le cas lorsque le sommaire,
en insistant sur une qualification peu citée dans le texte de l'arrêt traduit toute l'importance qu'elle a
eue pour la résolution du cas particulier (Civ. 3e, 26 juin 1996, Bull. civ. III, n° 163 - à propos de la
qualification de « porte-fort »).
66. Ainsi, en déclarant d'abord, qu'« au sens de l'article  606 du code civil, les réparations
d'entretien sont celles qui sont utiles au maintien permanent en bon état de l'immeuble tandis que les
grosses réparations intéressent l'immeuble dans sa structure et sa solidité générale », puis que « les
juges du fond apprécient souverainement si une réparation correspond à l'une ou l'autre de ces
qualifications », le sommaire de l'arrêt rendu par la troisième Chambre civile le 13  juillet  2005
(n°  04-13.764, Bull.  civ.  III, n°  155, AJDI  2005. 828, obs.  Y. ROUQUET ; RTD  civ.  2005. 795,
obs.  P.-Y. GAUTIER) confirme un changement de jurisprudence qui était beaucoup moins visible
dans la masse d'informations des motifs : l'énumération de l'article  606 du Code civil n'a plus de
caractère limitatif et les juges du fond apprécient désormais souverainement ce qu'est une « grosse
réparation » au regard de la définition prétorienne (J. GHESTIN, « De l'effectivité normative d'un
arrêt de la Cour de cassation », RTD civ. 2015, p. 1).
67. Le chaînage peut être également proposé par le Président de Chambre ou le Doyen au SDER
de la Cour de cassation qui procède toujours à une vérification (X. HENRY, « Le chaînage des arrêts
de la Cour de cassation dans le Bulletin civil », art. précit.).
68. Ibid.
69. Ibid.
70. C. BÉROUJON, « Contentieux au singulier et jurisprudence au pluriel », RTD civ. 1995.579.
71. Ainsi que l'observe le commentateur, la solution formulée par l'arrêt de la première Chambre
civile du 11 mars 2003 (Bull. civ. I, n° 70) en matière d'expertise amiable « n'est pas nouvelle : elle
s'inscrit dans la lignée d'un arrêt antérieur de la même chambre, en date du 24 sept. 2002, et confirme
d'autres décisions auxquelles renvoie la publication de l'arrêt commenté au Bulletin » (G. CAVALIER,
« Principe du contradictoire en matière d'expertise amiable », D. 2005, p. 46).
72. La Cour de cassation affirme ainsi qu'un principe qui n'a pas reçu d'application récente est
toujours en vigueur. « Ces rappels, qu'on pourrait souhaiter plus fréquents, facilitent et abrègent les
recherches des praticiens en même temps qu'ils marquent la persistance d'une jurisprudence »
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