Bibliothèque de droit privé - Tome 579 - Le pouvoir normatif de la Cour de cassation à l'heure actuelle - 308

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LE POUVOIR NORMATIF DE LA COUR DE CASSATION À L'HEURE ACTUELLE

fondamentaux. La Cour de cassation a annulé ainsi des clauses d'habitation personnelle prévues dans des baux d'habitation au regard du droit à la vie privée et
familiale tiré de l'article 8 de la Convention EDH25, ou écarté des clauses d'adhésion obligatoire à une association, incluses dans des baux commerciaux, au nom
de la liberté d'association, prévue à l'article 11 de la Convention EDH26.
L'effet horizontal de la liberté de religion de l'article  9 de la Convention
EDH a été, quant à lui, neutralisé. La Haute juridiction a exigé, dans les fameuses
affaires du Digicode27 et des Cabanes28, une stipulation expresse pour qu'un
contractant pût se voir imposer une obligation positive liée à la religion de l'autre
partie. Mais l'arrêt rendu le 30 septembre 201529 par la première Chambre civile
de la Cour de cassation, en caractérisant l'absence d'atteinte à la liberté religieuse
au regard des faits de l'espèce, semble toutefois faire « un premier pas vers la possibilité d'imposer une prestation matérielle à un contractant afin de garantir à
l'autre la pratique de sa religion »30.
Au niveau quantitatif, les occasions de soulever les droits fondamentaux se
sont ainsi multipliées. À cela s'ajoute une composante qualitative : la Cour de
cassation s'est mise à accorder sa préférence à la Convention EDH même lorsque
des textes de droit interne semblent suffire à régler le problème.
2. Le recours systématique à la Convention EDH
418. Après s'être efforcée de n'invoquer la Convention EDH qu'en l'absence
d'une disposition interne susceptible de résoudre la question31, la Cour de cassation a changé de politique. Les références à la Convention EDH se sont démultipliées, souvent combinées avec la loi nationale, voire préférées aux textes internes.
419. Les affaires précitées en droit des contrats sont significatives à cet égard.
Pour écarter les clauses d'habitation personnelles32, l'article 8 de la Convention EDH,
sur le droit à la vie privée et familiale, a été choisi au détriment des articles 6 et 9 du
Code civil33, qui auraient suffi à régler le problème. De même, pour écarter les clauses
25. Civ. 3e, 6 mars 1996, JCP 1996.I.3958, n° 1, obs. C. JAMIN, D. 1997, Jur. p. 167, note B. DE
LAMY, RTD  civ.  1996, p.  580, note J. HAUSER, p.  897, note J. MESTRE, p.  1024,
obs. J.-P. MARGUÉNAUD, RDI 1996, p. 620, note F. COLLART-DUTILLEUL et J. DERRUPPÉ,
AJDI 1996, p. 704, note B. WERTENSCHLAG. V. par la suite, Civ. 3e, 22 mars 2006, n° 04-19.349,
RTD civ. 2006. 722, obs. MARGUÉNAUD ; RDC 2006. 1149, obs. SEUBE.
26. Civ.  3e, 12  juin 2003, RTD  civ.  2003, p.  771, note J. RAYNARD, D.  2003, p.  1694, note
Y. ROUQUET, RTD  civ.  2004, p.  280, obs.  J.  MESTRE et B.  FAGES, Rev.  Sociétés 2003, p.  880,
obs.  M.-L. COQUELET, AJDI  2003, p.  663, note J.-P.  BLATTER, D.  2004, p.  367, note
C.-M. BÉNARD, RTD  com.  2004, p.  72, note J.-P.  MONÉGER, RTD  com.  2003, p.  755, note
L. GROSCLAUDE.
27. Civ. 3e, 18 déc. 2002, D. 2004, p. 844, note N. DAMAS, RTD civ. 2003, p. 290, obs. J. MESTRE
et B. FAGES, p. 383, note J.-P. MARGUÉNAUD, p. 575, obs. R. LIBCHABER, AJDI 2003, p. 182,
concl. O. GUÉRIN, et note Y. ROUQUET.
28. Civ. 3e, 8 juin 2006, D. 2006, p. 2887, note C. ATIAS, AJDI 2006, p. 609, note J. RAYNAUD,
AJDI 2007, p. 311, note P. CAPOULADE, RTD civ. 2006, p. 722, note J.-P. MARGUÉNAUD.
29. Civ. 1re, 30 sept. 2015, D. 2015, p. 2350, note A. ETIENNEY DE SAINTE MARIE.
30. A. ÉTIENNEY DE SAINTE MARIE, note précit.
31. R. DE GOUTTES, art. précit.
32. V., supra, n° 417.
33. S'agissant de l'arrêt rendu le 6 mars 1996 (précit.), les auteurs ont fait valoir que le recours à
l'article 9 du Code civil et à la protection de la vie privée (J. HAUSER, note précit.) ou à l'article 6 et
à la prohibition des clauses contraires à l'ordre public (J. MESTRE, note précit., C.  JAMIN,
obs. précit. et J.-P. MARGUÉNAUD, obs. précit.) aurait suffi.
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