Systèmes - La conduite du changement climatique : entre contraintes et incitations - 1re - 43

L'intégration du changement climatique dans le droit public français

futures à répondre aux leurs »38 selon la définition consacrée. Malgré
la prolifération des références au développement durable depuis les
années 1990, le concept reste trop vague et trop peu consensuel pour
avoir eu des conséquences notables sur l'état de l'environnement. De
fait, ces dernières années, il semble être progressivement remplacé
par d'autres références traduisant toujours - voire davantage - une
lecture économique : ainsi la loi sur la « transition énergétique » vise
une « croissance verte » et pose les jalons d'une « économie
circulaire » ; la biodiversité, quant à elle, se décline davantage en
« services environnementaux » pouvant faire l'objet de « paiements »
et de « compensation »39.
Si l'efficacité des divers dispositifs reste à prouver, le doute
demeure aussi sur la possibilité d'évaluer le climat ou la
biodiversité en termes économiques et monétaires sans procéder à
une « marchandisation » de l'environnement au détriment de la
complexité intrinsèque de l'objet et de la pluralité de valeurs qu'il
concentre. Ces équivalences écologie/économie sont ambiguës et
recèlent en effet le risque d'une lecture exclusivement économique
de l'environnement, assimilant ce dernier à un bien comme un autre
sur le marché, dans une vision uniquement utilitariste40.
Cette approche économique traduit enfin un relâchement de
l'emprise du droit public sur les questions environnementales. Les
outils économiques s'appuient davantage sur des mécanismes de
droit privé régissant les rapports juridiques entre les opérateurs, et
à destination en premier lieu des acteurs économiques : entreprises,
investisseurs, consommateurs. Ce déclin est néanmoins à
relativiser, le rôle de la puissance publique ayant changé : moins
contraignante, son intervention n'en est pas moins nécessaire pour
la mise en place des cadres dans lesquels vont jouer ces acteurs
(telles les obligations d'information ou de transparence dans le
cadre de la responsabilité sociale des entreprises) ou en tant que
facilitatrice voire arbitre des différents rapports qui s'y tissent.
À ce titre, les approches réglementaires et économiques
apparaissent complémentaires plutôt que concurrentes : une lecture
38. Art. L. 110-1 II C. envir. La lutte contre le changement climatique est d'ailleurs le premier
des cinq engagements du développement durable selon le troisième paragraphe du
même article.
39. La loi pour la reconquête de la biodiversité d'août 2016 impulse l'évolution en ce sens.
Plus globalement sur cette question, LANGLAIS A., « Les paiements pour services
environnementaux, une nouvelle forme d'équité environnementale pour les
agriculteurs ? », Dr. env., janv. 2013, p. 32-41.
40. DEFFAIRI M., art. préc., p. 182-185.

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